09/10/2011
DU PRINCIPE DES PRIMAIRES A L'INSTAURATION D'UN TROISIEME TOUR A L'ELECTION PRESIDENTIELLE
Editorial
Je continue à penser que le recours à ce que d’aucuns appellent les primaires socialistes et d’autres les primaires citoyennes ne constitue pas une avancée démocratique souhaitable comme cela est dit par nombre de commentateurs, analystes, observateurs et acteurs politiques, y compris d’ailleurs par les plus éminents.
Je ne conteste ni la qualité des débats, qui ont été dans l’ensemble d’un bon niveau, ni la qualité des candidats, même si certains d’entre eux ont à l’évidence plus le profil présidentiel que d’autres.
En revanche, je conteste pour un parti politique, porteur d’un projet politique, doté d’un corpus idéologique, héritier d’une histoire, d’une tradition, d’un passé et qui aspire à un avenir prometteur de confier le choix de son candidat à l’élection suprême dans notre pays à un collège électoral extérieur, aux frontières imprécises et à la composition pour le moins incertaine et aléatoire, puisque par définition élastique.
Il y a là une dérive grave pouvant déboucher, le cas échéant, un jour ou l’autre sur des situations difficilement maîtrisables.
J’affirme, au risque de passer pour le défenseur d’un archétype de parti dépassé, que l’instauration de primaires ouvertes par des partis politiques français, c’est-à-dire dans le cadre d’un multipartisme composé de partis fortement imprégnés d’idéologie est un non sens. La France n’est pas les Etats-Unis, pays dans lequel des primaires ouvertes ou fermées se déroulent dans un cadre bipartisan avec des formations moins marquées par l’idéologie que les nôtres.
Il appartient à un parti politique responsable d’instaurer en son sein des procédures susceptibles de faire émerger des talents et de sélectionner ses candidats, et notamment celui à la fonction suprême du pays, sans s’en remettre à de vagues et hypothétiques sympathisants aux profils mal définis.
J’ajoute que les primaires suscitent un certain nombre d’interrogations :
Quid du secret du vote ? Ce principe est bien à certains égards transgressé qu’on le veuille ou non malgré ce que l’on dit ici ou là.
Quid de la « sondocratie » et du rôle des faiseurs d’opinion ?
Quid de leur effet sur le nombre des candidats ? Contrairement à une idée reçue, elles ne règleront pas le problème de la division des candidats et ne mettront nullement à l’abri du syndrome du 21 avril les candidats des principaux partis.
Quid du déphasage entre le temps des primaires et celui de l’élection présidentielle ?
Choisir un candidat six mois à l’avance, n’est-ce pas prendre le risque d’une déconnexion entre un instant T, l’élection présidentielle, et un instant T-6, la primaire ?
Le candidat ou la candidate choisi(e) à T-6 est-il bien celui que l’on souhaite à l’instant T eu égard à la situation du moment et au contexte dans lequel se déroule l’élection présidentielle ?
Quid de l’hypothèse où un candidat vainqueur à l’issue d’une primaire déconnectée du temps de l’élection présidentielle serait empêché en raison de la survenue postérieurement à cette désignation de faits ou d ‘évènements imprévisibles, tels ceux par exemple d’un certain 14 mai 2011 ? Faudrait-il, par exemple, reprendre la procédure depuis le début ?
En vérité, je réaffirme et je continuerai à le faire même si la proposition iconoclaste que j’ai déjà formulée à plusieurs reprises n’a pas l’heur de plaire aux politologues et moins encore aux politiques, que seule l’instauration d’un troisième tour à l’élection présidentielle permettrait d’instaurer une primaire généralisée ouverte à l’ensemble du corps électoral. Cette primaire se ferait lors d’un premier tour ouvert à tous les candidats investis ou non par leur parti et disposant des parrainages nécessaires.
A la différence de ce qui se fait aujourd’hui, les candidats ayant obtenu à l’issue du premier tour, 5% ou 10% des voix auraient le droit de se maintenir et si aucun d’entre eux n’obtenait la majorité absolue des voix, les deux arrivés en tête resteraient seuls en compétition lors d’un troisième tour. Un tel système aurait le double avantage, d’ouvrir davantage le jeu démocratique et d’éviter que ne se reproduise le syndrome du 21 avril 2002 et que ne se perpétue cet appel pathétique au vote utile, vote utile qui tend à restreindre le choix des électeurs et nuit ainsi au pluralisme politique dans notre pays.
Je m’étonne que certains qui, tout en critiquant parfois de façon excessive et selon moi déplacée les institutions de la Ve République, se refusent à les amender en introduisant des règles et mécanismes de nature à rendre la vie politique plus consensuelle.
L’avenir des primaires n’a de sens que si on les généralise par l’institution d’un troisième tour comme il vient d’être dit.
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP
- Se reporter à deux éditoriaux précédents publiés sur ce site :
- « Primaires : Une fausse bonne idée » (5-12-2010)
- « Instituer un troisième tour à l’élection présidentielle » (17 avril 2011)
16:00 Publié dans éditoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pluralisme politique, vote utile, primaires généralisées, primaires socialistes, primaires citoyennes, sélection des candidats, secret du vote, sondocratie, syndrome du 21 avril 2002, proposition iconoclaste, troisième tour à l'élection présidentielle
11/09/2011
A L'ATTENTION DES CANDIDATS A L'ELECTION PRESIDENTIELLE
Editorial
Peu à peu les candidats à l’élection présidentielle, qu’ils soient candidats virtuels ou non, candidats à la candidature ou candidats bien réels, font entendre le son de leur voix et esquissent le développement de certains thèmes et propositions qu’ils comptent mettre au cœur du débat qui permettra aux Françaises et aux Français de les départager.
A cet égard, il me paraît important pour tout candidat sérieux qu’il soit en mesure de mettre en valeur le rôle moteur qui peut être et doit être celui d’un chef d’Etat qui s’en tient à l’essentiel montrant la voie, la direction qu’il faut emprunter.
Aussi, est-il fondamental pour tout candidat crédible d’insister sur sa conception de la « fonction présidentielle » et de mettre en valeur son « approche du pouvoir ». C’est cette approche qui permettra en effet au corps électoral de trancher.
Ce n’est pas, ce n’est plus d’un catalogue, d’un programme trop souvent tributaire du temps et de la conjoncture, dont l’électorat a besoin mais d’un projet, d’une orientation et d’une vision que j’aime qualifier de « grand dessein ».
La France n’attend pas d’un président qu’il soit « normal » ou « anormal », mais un président qui préside, arbitre au sens noble du terme et soit capable de proposer un grand dessein.
Aux forces politiques, aux clubs et aux partis d’élaborer des programmes et propositions. A l’Homme d’Etat, d’incarner cette vision, ce grand dessein et de parler le langage de la vérité et de la sincérité.
Parmi ces grands desseins, je citerai volontiers, notamment, mais il en existe évidemment d’autres sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir au cours des prochains mois :
- la défense du pluralisme passant nécessairement par une loi électorale plus juste permettant une représentation aussi fidèle que possible des différentes sensibilités politiques du pays ;
- la volonté de gouverner autrement, en tenant davantage compte de ces différentes sensibilités avec le souci constant, d’une part, de privilégier l’intérêt général et, d’autre part, de rompre avec la politique stérile du bloc contre bloc, du camp contre camp qui conduit à une impasse. Une telle volonté, un tel choix, il faut le savoir, implique une approche plus consensuelle de l’exercice du pouvoir, car dénoncer le bloc contre bloc implique que le Parlement redevienne le lieu par excellence du débat débouchant le cas échéant sur des majorités à géométrie variable selon les thèmes et sujets abordés. Refuser cette logique en se contentant de dénoncer le bloc de gauche contre le bloc de droite reviendrait à accepter l’émergence d’un nouveau bloc contre d’autres blocs et ne changerait pas fondamentalement la donne ;
- s’agissant de l’Europe, autre grand dessein, il me paraît fondamental que tout candidat sérieux ne laisse pas en jachère ce terrain. Tout candidat crédible doit s’inscrire dans la lignée des pères-fondateurs de l’Europe et des grands Européens du vingtième siècle en se faisant le héraut de cette cause-là et le porte-parole d’une Europe politique, citoyenne, humaniste et solidaire, sans hésiter à parler de fédéralisme. A cet égard, face à la montée des populismes, qu’il convient vraiment d’opposer, comme on sépare le bon grain de l’ivraie, au concept de prise en compte des aspirations légitimes des peuples, il y a un travail considérable à faire tendant à démontrer que l’Europe doit être plus unie, plus sociale, plus humaine et plus identifiable. A cet égard encore, tout candidat crédible devrait pouvoir reprendre à son compte, en ces temps d’incertitude, la formule de François Mitterrand : « La France est notre Patrie, l’Europe est notre avenir » ;
J’ajoute que celui ou celle qui bannira de son vocabulaire les petites phrases assassines et rejettera l’invective, les jeux de mots faciles, les insultes et le dénigrement de l’autre, des autres, devrait avoir notre préférence, car celui-ci ou celle-là aurait compris ce que gouverner veut dire et pris l’exacte mesure de la tâche à laquelle il entend se consacrer.
J’ajoute encore que la France a besoin de consensus mais pas d’un consensus mou qui serait synonyme d’inaction et qui conduirait à ne rien changer de peur de réveiller les passions et de susciter des conflits.
Il faut un consensus fort pour agir, pour faire évoluer les choses et entraîner celles et ceux qui veulent agir dans l’intérêt de la France, de l’Europe et du monde ; de la France en veillant à ce qu’elle soit plus unie, de l’Europe en la fédérant et en la consolidant, du monde en contribuant avec les autres peuples à ce qu’il soit mieux organisé.
Gérard-David Desrameaux
Président-fondateur du RCE
* Cet éditorial est également porté sur le site du RCE.
16:34 Publié dans éditoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élection présidentielle, fonction présidentielle, grand dessein, président normal ou anormal, défense du pluralisme, gouverner autrement, bloc contre bloc, majorités à géométrie variable, europe politique, petites phrases assassines
16/07/2011
LES PARTIS POLITIQUES N'ATTIRENT PLUS...
Editorial
Certains évènements politiques récents et certaines observations quant aux comportements d’acteurs politiques me conduisent à reproduire ici, comme je l’ai déjà fait d’autres fois, certains passages de mon livre Esquisse d‘une démocratie nouvelle, pour une éthique en politique. Ils gardent, me semble-t-il, toute leur pertinence car les forces politiques ne paraissent pas en mesure de s’adapter aux exigences nouvelles des temps présents. Je reviendrai sur leur inadaptation au cours des prochains mois.
« Les partis politiques n’attirent plus, ou, pour être plus précis, n’attirent plus celles et ceux qui n’ont pas pour ambition première de faire une carrière politique nationale ou locale.
Hier, on établissait généralement une distinction assez forte entre les partis de notables, le plus souvent de droite, et les partis de masse, pour la plupart de gauche. Aujourd’hui, les différences entre partis de droite et de gauche tendent à s’estomper même si quelques-unes subsistent.
L’adhésion à un parti demeure cependant un passage obligé dans la plupart des cas pour quiconque entend postuler un mandat politique de quelque importance. Les exceptions sont rares, même si elles existent. Aussi, le gros des troupes des formations politiques est-il constitué soit d’élus, soit d’anciens élus, soit de candidats virtuels à l’élection.
Il se trouve bien, également, ici ou là, aux côtés des précédents, des femmes et des hommes qui adhèrent sans pour autant prétendre à quelque vocation politicienne même si, en cours de route, ils peuvent être conduits à changer d’état d’esprit et à accepter de se soumettre au verdict des électeurs. Ils se font assurément plus rares et sans doute demeurent-ils moins longtemps membres cotisants. On peut, en effet, observer parmi cette dernière catégorie une moindre constance dans le militantisme.
Plusieurs raisons expliquent cette différence de comportement. Alors que les premiers, en adhérant à une formation politique, nonobstant le fait qu’en ayant adhéré à une formation donnée et pas à une autre, ont fait un choix idéologique précis et entendent être les hérauts d’une cause qu’ils croient juste, sont prêts à accepter toutes les contraintes qu’implique le fait d’adhérer à une structure partisane, les seconds se satisfont, en règle générale, difficilement de ces mêmes contraintes. Evidemment, il serait absurde de prétendre que les premiers apprécieraient les jeux internes et se conformeraient à leurs règles avec délectation.
En revanche, à la différence de ceux qui ne font qu’adhérer afin de soutenir une cause sans s’engager plus avant d’un point de vue strictement personnel, ils acceptent, contraints et forcés dans bien des cas, nécessité faisant loi, les aspects les moins agréables du militantisme. Parmi ceux-ci, à l’évidence, le fait de devoir, dans la plupart des cas, affronter d’autres militants de la même formation dans des combats singuliers.
Militer, c’est en effet, non seulement soutenir et défendre une conception des choses, de la vie en société, un idéal, un projet pour l’avenir, mais c’est aussi faire avancer telle ou telle notion, c’est aussi mettre l’accent sur tel ou tel point particulier, c’est débattre avec d’autres qui partagent pour l’essentiel votre idéal mais qui peuvent s’opposer à vous sur le rythme, les moyens, les formes et parfois, ce qui est déjà plus sérieux, sur le fond.
Il n’y a là rien de grave en apparence. C’est après tout la rançon de la démocratie. Débattre, dialoguer, opposer des arguments, confronter des idées, les exposer, les défendre, c’est à l’évidence un signe de vitalité et l’on ne conçoit pas une structure politique démocratique authentique qui ne sacrifierait pas à ces exigences. En revanche, ce qui désoriente et finit par lasser nombre de militants ce sont les faux-débats, les fausses querelles, les ambitions personnelles excessives qui viennent dénaturer le débat et brouiller les pistes.
Ce qui n’est pas acceptable et porte globalement préjudice aux partis, c’est quand l’essentiel est occulté par l’accessoire, c’est quand l’invective remplace la sobre confrontation des opinions, c’est quand les petites phrases assassines remplacent les arguments circonstanciés. Là, comme en toutes choses, l’excès nuit.
Une force politique qui ne connaîtrait pas en son sein une véritable vie démocratique – ce qui implique notamment l’existence de débats libres et le choix tout aussi libre, par la voie de l’élection de ses dirigeants – ne serait certainement pas la mieux qualifiée pour proposer un projet politique d’essence démocratique. Pour être crédible, il est préférable d’être en accord avec les principes que l’on énonce et en donner l’exemple. Faute de quoi, on peut, à juste titre s’interroger sur le bien-fondé des propositions et douter de la sincérité de ceux qui les formulent.
En sens inverse, une force politique au sein de laquelle des débats artificiels dissimuleraient en fait des rivalités pour des postes et où les divisions succèderaient aux divisions favorisant l’émergence de clans et de chapelles, ne serait qu’une caricature d’organisation démocratique incapable de retenir des militants lassés de servir les intérêts de quelques-uns aux dépens d’un idéal commun.
Pour autant, il serait stupide de condamner ex-cathedra toute ambition. Dès lors qu’elle est au service d’une idée, d’une cause, d’un grand dessein, elle est tout à fait estimable et justifiée, voire nécessaire. Ce qui est condamnable et en tant que tel rejeté par l’opinion publique et beaucoup de militants, c’est avant tout le carriérisme et la recherche d’avantages particuliers déconnectés de tout projet collectif.
Dans le premier cas, l’ambition mise au service d’une grande cause galvanise l’énergie des militants et suscite l’intérêt de l’électorat. Dans le second cas, l’ambition mise au service d’un plan de carrière, généralement d’un second couteau, réduit la ferveur militante et conduit à l’abstentionnisme de l’électorat. Il n’y a pas lieu, au demeurant, de s’en étonner. »
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP
16:57 Publié dans éditoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : partis politiques, esquisse d'une démocratie nouvelle, éthique en politique, militantisme, faux-débats, fausses querelles, ambitions personnelles, petites phrases assassines, sincérité des hommes politiques, clans, chapelles, carriérisme, seconds couteaux