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16/07/2011

LES PARTIS POLITIQUES N'ATTIRENT PLUS...

Editorial

Certains évènements politiques récents et certaines observations quant aux comportements d’acteurs politiques me conduisent à reproduire ici, comme je l’ai déjà fait d’autres fois, certains passages de mon livre Esquisse d‘une démocratie nouvelle, pour une éthique en politique. Ils gardent, me semble-t-il, toute leur pertinence car les forces politiques ne paraissent pas en mesure de s’adapter aux exigences nouvelles des temps présents. Je reviendrai sur leur inadaptation  au cours des prochains mois.

« Les partis politiques n’attirent plus, ou, pour être plus précis, n’attirent plus celles et ceux qui n’ont pas pour ambition première de faire une carrière politique nationale ou locale.

Hier, on établissait généralement une distinction assez forte entre les partis de notables, le plus souvent de droite, et les partis de masse, pour la plupart de gauche. Aujourd’hui, les différences entre partis de droite et de gauche tendent à s’estomper même si quelques-unes subsistent.

L’adhésion à un parti demeure cependant un passage obligé dans  la plupart des cas pour quiconque entend postuler un mandat politique de quelque importance. Les exceptions sont rares, même si elles existent. Aussi, le gros des troupes des formations politiques est-il constitué soit d’élus, soit d’anciens élus, soit de candidats virtuels à l’élection.

Il se trouve bien, également, ici ou là, aux côtés des précédents, des femmes et des hommes qui adhèrent sans pour autant prétendre à quelque vocation politicienne même si, en cours de route, ils peuvent être conduits à changer d’état d’esprit et à accepter de se soumettre au verdict des électeurs. Ils se font assurément plus rares et sans doute demeurent-ils moins longtemps membres cotisants. On peut, en effet, observer parmi cette dernière catégorie une moindre constance dans le militantisme.

Plusieurs raisons expliquent cette différence de comportement. Alors que les premiers, en adhérant à une formation politique, nonobstant le fait qu’en ayant adhéré à une formation donnée et pas à une autre, ont fait un choix idéologique précis et entendent être les hérauts d’une cause qu’ils croient juste, sont prêts à accepter toutes les contraintes qu’implique le fait d’adhérer à une structure partisane, les seconds se satisfont, en règle générale, difficilement de ces mêmes contraintes. Evidemment, il serait absurde de prétendre que les premiers apprécieraient les jeux internes et se conformeraient à leurs règles avec délectation.

En revanche, à la différence de ceux qui ne font qu’adhérer afin de soutenir une cause  sans s’engager plus avant d’un point de vue strictement personnel, ils acceptent, contraints et forcés dans bien des cas, nécessité faisant loi, les aspects les moins agréables du militantisme. Parmi ceux-ci, à l’évidence, le fait de devoir, dans la plupart des cas, affronter d’autres militants de la même formation dans des combats singuliers.

Militer, c’est en effet, non seulement soutenir et défendre une conception des choses, de la vie en société, un idéal, un projet pour l’avenir, mais c’est aussi faire avancer telle ou telle notion, c’est aussi mettre l’accent sur tel ou tel point particulier, c’est débattre avec d’autres qui partagent pour l’essentiel votre idéal mais qui peuvent s’opposer à vous sur le rythme, les moyens, les formes et parfois, ce qui est déjà plus sérieux, sur le fond.

Il n’y a là rien  de grave en apparence. C’est après tout la rançon de la démocratie. Débattre, dialoguer, opposer des arguments, confronter des idées, les exposer, les défendre, c’est à l’évidence un signe de vitalité et l’on ne  conçoit pas une structure politique démocratique authentique qui ne sacrifierait pas à ces exigences. En revanche, ce qui désoriente et finit par lasser nombre de militants ce sont les faux-débats, les fausses querelles, les ambitions personnelles excessives qui viennent dénaturer le débat et brouiller les pistes.

Ce qui n’est pas acceptable et porte globalement préjudice aux partis, c’est quand l’essentiel est occulté par l’accessoire, c’est quand l’invective remplace la sobre confrontation des opinions, c’est quand les petites phrases assassines remplacent les arguments circonstanciés. Là, comme en toutes choses, l’excès nuit.

Une force politique qui ne connaîtrait pas en son sein une véritable vie démocratique – ce qui implique notamment l’existence de débats libres et le choix tout aussi libre, par la voie de l’élection de ses dirigeants – ne serait certainement pas la mieux qualifiée pour proposer un projet politique d’essence démocratique. Pour être crédible, il est préférable d’être en accord avec les principes que l’on énonce et en donner l’exemple. Faute de quoi, on peut, à juste titre s’interroger sur le bien-fondé des propositions et douter de la sincérité de ceux qui les formulent.

En sens inverse, une force politique au sein de laquelle des débats artificiels dissimuleraient en fait des rivalités pour des postes et où les divisions succèderaient aux divisions favorisant l’émergence de clans et de chapelles, ne serait qu’une caricature d’organisation démocratique incapable de retenir des militants lassés de servir les intérêts de quelques-uns aux dépens d’un idéal commun.

Pour autant, il serait stupide de condamner ex-cathedra toute ambition. Dès lors qu’elle est au service d’une idée, d’une cause, d’un grand dessein, elle est tout à fait estimable et justifiée, voire nécessaire. Ce qui est condamnable et en tant que tel rejeté par l’opinion publique et beaucoup de militants, c’est avant tout le carriérisme et la recherche d’avantages particuliers déconnectés de tout projet collectif.

Dans le premier cas, l’ambition mise au service d’une grande cause galvanise l’énergie des militants et suscite l’intérêt de l’électorat. Dans le second cas, l’ambition mise au service d’un plan de carrière, généralement d’un second couteau, réduit la ferveur militante et conduit à l’abstentionnisme de l’électorat. Il n’y a pas lieu, au demeurant, de s’en étonner. »

Gérard-David Desrameaux

Directeur de la Lettre ECP

13/06/2011

LA DEFENSE DU PLURALISME

Editorial

La défense du pluralisme – j’entends par là d’un pluralisme authentique permettant à toutes les sensibilités politiques qui comptent réellement dans notre pays d’être représentées – doit être au centre du débat politique qui va s’engager dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012.

J’entends pour ma part, dans le cadre de cette Lettre et dans la continuité des thèses que j’ai pu développer dans mes articles ainsi que dans mon livre  Esquisse d’une démocratie nouvelle- Pour une éthique en politique, contribuer à ce débat.

J’entends surtout attirer l’attention des femmes et des hommes qui s’intéressent à la politique, qu’ils soient simples citoyens, observateurs, analystes, commentateurs, acteurs politiques, voire candidats à quelque élection que ce soit, y compris présidentielle, sur l’impérieuse nécessité de songer très sérieusement à la modification des règles du jeu si nous voulons que cesse de se creuser le fossé qui existe entre la « classe politique » et les citoyens et le relatif désintérêt manifesté par l’immense cohorte de ceux qui désertent le chemin des urnes.

J’entends, dans cette perspective, mettre l’accent notamment sur l’urgence d’adopter un mode de scrutin qui soit non seulement plus juste mais qui tienne davantage compte de l’état réel du rapport des forces politiques dans notre pays.

J’entends également défendre avec force cette proposition à laquelle je suis particulièrement attaché depuis des années et que j’ai moi-même eu l’occasion de qualifier d’iconoclaste ici-même dans un éditorial du 17 avril 2011, à savoir instituer un troisième tour à l’élection  présidentielle afin de mettre un terme à cet insolent slogan : « Votez utile » qui entend tout simplement, au nom d’une soumission aveugle à une règle qui a fait la démonstration de ses limites dans un pays de multipartisme comme le nôtre, réduire la liberté du choix de l’électeur.

J’observe à cet égard que cette proposition n’a pas été relayée par ceux qui en ont le pouvoir, au nom sans doute d’un certain conformisme pour les uns et d’un ralliement à un système dont ils espèrent tirer bénéfice pour les autres.

Pour autant, pour reprendre une formule célèbre, je persiste et signe, l’institution d’un troisième tour à l’élection présidentielle changerait fondamentalement la donne et la nature de nos institutions sans être dans l’obligation d’en appeler à un changement de Constitution.

Encore une fois, j’aurai l’occasion de revenir sur cette idée et sur bien d’autres au cours des prochains mois afin d’aider à la défense et à l’illustration du pluralisme.

J’invite les démocrates et républicains à avoir recours à ce thème de la défense du pluralisme à la manière d’un leitmotiv.

Gérard-David Desrameaux

Directeur de la Lettre ECP

 

28/05/2011

IL NE SAURAIT Y AVOIR D'EQUILIBRE DES POUVOIRS SANS PLURALISME EFFECTIF

Editorial

Il n’y a pas équilibre des pouvoirs réel si le législatif et l’exécutif sont tous deux issus d’une même et semblable majorité au point de se confondre. Le fait majoritaire engendre, qu’on le veuille ou non, un système politique où la séparation  est des plus ténue, comme c’est le cas actuellement en France, quand il y a coïncidence entre majorité présidentielle et majorité parlementaire car le législatif et l’exécutif marchent quasiment d’un même pas et dans la même direction et ont intérêt à se préserver mutuellement de l’opposition. Selon la plus ou moins grande homogénéité de la majorité et de la  plus ou moins grande convergence des projets de cette majorité avec ceux du Gouvernement qu’elle soutient l’équilibre souhaitable peut ne pas être réalisé. Cet équilibre sera d’autant moins atteint que les mécanismes de contrôle seront défaillants ou tout simplement insuffisants comme cela existe  dans notre pays en raison d’un parlementarisme excessivement rationalisé en réaction au régime dit d’assemblée de feu la IVe République !

 Donner plus de pouvoir à l’ Assemblée face à l’exécutif apparaît  ainsi, certes comme une nécessité, notamment par un renforcement des commissions d’enquête et de ses pouvoirs de contrôle et d’évaluation des lois, mais ne suffira pas à établir l’équilibre recherché en l’absence d’une représentation la plus fidèle qui soit de la volonté populaire. Or, et c’est là le point essentiel, nous souffrons d’un véritable déficit au plan de la représentation nationale qui nous interdit de parler sérieusement de la nécessité de contre-pouvoirs.

Pourquoi inventer des schémas plus ou moins compliqués, élaborer des théories particulièrement complexes alors que le véritable contre-pouvoir réside  tout simplement dans l’existence d’une juste  représentation nationale.

A partir du moment où le pluralisme des sensibilités est respecté et où les forces politiques qui contribuent à l’expression du suffrage sont légitimement représentées au sein du Parlement, lieu où l’on parle, lieu de dialogue, lieu de débats et lieu désigné pour que s’élaborent les compromis, le contre-pouvoir le plus efficace est alors mis en place et contribue à cet équilibre des pouvoirs, indispensable à toute démocratie sereine.

A partir de ce moment-là encore, bien des conflits pourraient être réglés plus aisément et bien des crises pourraient être évitées limitant le contre-pouvoir de la rue qui est parfois synonyme de désordre et de violences et annonciateur de lendemains qui déchantent le plus souvent.

Il ne sert à rien en vérité de « discourir » sur les vertus de l’existence de contre-pouvoirs quand, dans le même temps, on s’efforce d’abord et toujours de verrouiller un système et de porter atteinte au  pluralisme, en radicalisant un discours sur un ton guerrier, puis ensuite en refusant de modifier de façon substantielle la représentation du peuple souverain au sein de l’Assemblée nationale.

Il faut s’en convaincre, si certains peuvent encore en douter : il n’y a pas, il ne peut y avoir, il ne saurait y avoir d’équilibre des pouvoirs aussi longtemps qu’on s’efforcera de prolonger, voire d’accroître le déséquilibre de la représentation nationale en excluant toute une série de sensibilités politiques et de courants de pensée.

Tous les démocrates devraient sérieusement méditer sur ce qui s’est passé en 2007  lorsqu’un parti dont le président, François Bayrou en l'espèce,  avait recueilli lors des dernières élections présidentielles près de 19% des voix a été quasiment privé de toute représentation en raison d’une loi électorale profondément injuste et du comportement des hommes insuffisamment attachés à cette idée d’éthique sans laquelle, et j’insiste une fois encore, toute réforme en profondeur des mœurs  politiques et des institutions risque de rester dans le domaine du rêve et de l’utopie.

J’entends dire par certains qu’il faudrait « instiller une dose de proportionnelle ». Je vois dans cette expression comme une forme de mépris à l’égard du peuple et de sa représentation nationale. C’est comme si, pour calmer les ardeurs qui montent des entrailles de la démocratie et  faire taire les clameurs des démocrates, on acceptait de jeter du lest  comme on jette quelques miettes aux oiseaux affamés qui piaillent d’impatience sous l’emprise de la faim ! Seule une véritable représentation proportionnelle permettra au pluralisme de s’épanouir pleinement en n’excluant aucune force politique de l’indispensable dialogue, prélude aux compromis et aux équilibres garants de la vraie stabilité.

Benjamin Constant a pu écrire dans De l’esprit de conquête et de l’usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne : « (…) de tous les fléaux politiques, le plus effroyable est une assemblée qui n’est que l’instrument d’un seul homme ».

Pourquoi cette tendance de tant de dirigeants, représentants d’un camp, d’un parti, d’un syndicat, d’un groupe  à vouloir détenir la totalité du pouvoir ? Est-ce pour davantage d’efficacité ? Si tel est le cas, cela se saurait à l’aune des résultats et des réalisations. En fait, le plus souvent les majorités les plus massives, détenant l’intégralité des leviers de commande, capables de nommer qui elles veulent, là où elles le souhaitent et de « faire passer » tous leurs textes sans difficultés apparentes au Parlement sont souvent conduites à céder sous le poids des manifestations de rues qui suppléent l’absence d’opposition crédible  capable de débattre et de contrôler autant qu’il le faudrait. Puis, ce qu’une majorité détentrice de tous les pouvoirs aura fait sera plus sûrement défait par la majorité suivante que cette dernière sera tout aussi massive, tout aussi absolue.

Je ne dis pas qu’il est illégitime de vouloir obtenir une majorité de sièges et de voix quand on préside aux destinées d’un parti politique, voire d’une coalition de partis, mais qu’il n’est pas sain que l’on veuille détenir tous les leviers de commande à la fois et réduire à sa plus simple expression, et ce au point de l’humilier, l’opposition. Une telle attitude étant précisément attentatoire à cette idée d’équilibre des pouvoirs et confirmant l’exactitude de la formule de Montesquieu. L’opinion publique constitue un nécessaire et légitime contre-pouvoir qui est consubstantiel  à toute démocratie digne de ce nom. Elle participe à la prise de conscience des dirigeants, des gouvernants qui, avant de prendre leurs décisions ou de légiférer, doivent parfaitement connaître les problèmes auxquels sont confrontés leurs concitoyens ainsi que leurs préoccupations et aspirations.

Gérard-David Desrameaux

Directeur de la Lettre ECP