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22/12/2013

UNE NOUVELLE FORME D'INSTABILITE POLITIQUE

Editorial

Sous la IVe république, les gouvernements tombaient régulièrement, les majorités se faisant puis se défaisant au rythme de deux environ par an, le régime d’assemblée ayant imposé ses lois, règles et coutumes. Nous connaissons la suite : son effondrement en 1958.

Les institutions de la Ve république ont certes permis de mettre un terme à une certaine forme d’instabilité politique qui était la marque de la IVe  République. Il convient à cet égard de lui en rendre hommage. Rappelons que seule une motion de censure a été adoptée tout au long de la Ve République. C’était dans la nuit du 4 au 5 octobre 1962. Il y a plus de cinquante ans ! En apparence, ces institutions ont ainsi offert à la France une étonnante stabilité politique.

Je dis bien en apparence, car au fil du temps, une autre forme d’instabilité a vu le jour. Elle est la conséquence de plusieurs facteurs sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir plus précisément en les examinant séparément au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Je me contenterai ici d’en énoncer quelques uns.

Un premier facteur doit être signalé : le déficit de représentativité des courants de pensée au sein du Parlement, conséquence de modes de scrutin qui pénalisent certains partis dès lors qu’en l’absence d’accords électoraux clairs et précis avec d’autres partis ils ne sont pas assurés de reports de voix et peuvent ainsi souffrir soit d’un déficit de représentation, soit de toute représentation au sein du Parlement. Une telle situation diffuse un malaise chez ceux qui ont ainsi le sentiment d’être tenus à l’écart du jeu politique. Une opposition absente du Parlement peut prospérer à l’extérieur, dans la rue, dans l’opinion et parfois se révéler plus extrémiste car moins tenue par les règles, codes et usages de la vie parlementaire.

Un deuxième facteur est lié au développement d’une médiacratie parfois excessive. Celle-ci est accentuée par la rapidité de l’information et la vitesse avec laquelle sont véhiculées des données souvent insuffisamment vérifiées et l’absence, dans bien des cas, de toute hiérarchisation desdites données et informations. Cette médiacratie excessive est encore renforcée par la multiplication des chaînes d’information en continue qui diffusent en temps réel et en boucle des informations, des propos, des images qui font que les pouvoirs politiques notamment sont enclins à revoir et à reconsidérer leurs positions ou leurs déclarations et parfois la législation ou la réglementation en vigueur du fait de l’impact médiatique obtenu par la révélation de tel fait, phénomène ou événement.

Un troisième facteur, lié au précédent, réside dans la place prise par la démocratie de l’urgence ou de l’instantané. Un fait révélé, une insuffisance constatée, une fraude découverte, des propos insupportables ou simplement maladroits vont parfois déclencher de très vives réactions pouvant se traduire par des mouvements de foule et de rue conduisant les pouvoirs publics à reculer. Si ceux-ci reculent, on parlera de pouvoir faible. Dans le cas inverse on le qualifiera au mieux d’autiste, au pire de pouvoir autoritaire. Souvent, ledit pouvoir feindra de ne pas reculer tout en le faisant en réformant, en amendant ou en reportant à plus tard l’examen de tel ou tel projet qui lui tenait à cœur.

Un quatrième facteur, très proche des précédents, tient à la prolifération des réseaux sociaux où tout est passé au crible, où la moindre rumeur, image ou déclaration se propage à une vitesse fulgurante obligeant dans bien des cas les pouvoirs publics à réagir là encore dans l’urgence et parfois de façon bien maladroite. Ce facteur pouvant lui aussi conduire à déstabiliser un pouvoir trop souvent aux aguets et sur la défensive quand bien même il dispose d’une majorité forte et supposée disciplinée, même si celle-ci est toute relative, derrière l’apparente discipline de vote et de groupe (parlementaire), au demeurant quelque peu en porte à faux avec l’interdiction de tout vote impératif.

Un cinquième facteur résulte de la sondocratie obsédante qui fait que l’on tient en permanence pour acquis et fondé l’état de l’opinion sur une foule de sujets à partir d’une multitude de sondages. Les commentateurs, observateurs et éditorialistes concourant largement par leurs analyses à faire et défaire ladite opinion qui contribue à son tour à une étrange impression d’instabilité, elle-même confortée par les supputations des uns et des autres à propos des rivalités supposées, vraies ou fausses, entre les membres  de la majorité comme ceux de l’opposition.

La liste de ces facteurs n’est évidemment pas exhaustive.

Je reviendrai  prochainement sur ces différents facteurs dans ces colonnes. Un point est acquis, à savoir la réapparition d’une très grande instabilité politique qui appellera à terme une réforme en profondeur de nos institutions afin de développer une plus grande culture du consensus et une diminution des affrontements du type clan contre clan qui ont montré leurs limites et nuit à l’image du politique, de la politique et des politiques.

Gérard-David Desrameaux

09/10/2011

DU PRINCIPE DES PRIMAIRES A L'INSTAURATION D'UN TROISIEME TOUR A L'ELECTION PRESIDENTIELLE

 Editorial

Je continue à penser que le recours à ce que d’aucuns appellent les primaires socialistes et d’autres les primaires citoyennes ne constitue pas une avancée démocratique souhaitable comme cela est dit par nombre de commentateurs, analystes, observateurs et acteurs politiques, y compris d’ailleurs par les plus éminents.

Je ne conteste ni la qualité des débats, qui ont été dans l’ensemble d’un bon niveau, ni la qualité des candidats, même si certains d’entre eux ont à l’évidence plus le profil présidentiel que d’autres.

En revanche, je conteste pour un parti politique, porteur d’un projet politique, doté d’un corpus idéologique, héritier d’une histoire, d’une tradition, d’un passé et qui aspire à un avenir prometteur de confier le choix de son candidat à l’élection suprême dans notre pays à un collège électoral extérieur, aux frontières imprécises et à la composition pour le moins incertaine et aléatoire, puisque par définition élastique.

Il y a là une dérive grave pouvant déboucher, le cas échéant, un jour ou l’autre sur des situations difficilement maîtrisables.

J’affirme, au risque de passer pour le défenseur d’un archétype de parti dépassé, que l’instauration de primaires ouvertes par des partis politiques français, c’est-à-dire dans le cadre d’un multipartisme composé de partis fortement imprégnés d’idéologie est un non sens. La France n’est pas les Etats-Unis, pays dans lequel des primaires ouvertes ou fermées se déroulent dans un cadre bipartisan avec des formations moins marquées par l’idéologie que les nôtres.

Il appartient à un parti politique responsable d’instaurer en son sein des procédures susceptibles de faire émerger des talents et de sélectionner ses candidats, et notamment celui à  la fonction suprême du pays, sans s’en remettre à de vagues et hypothétiques sympathisants aux profils mal définis.

J’ajoute que les primaires suscitent un certain nombre d’interrogations :

Quid du secret du vote ? Ce principe est bien à certains égards transgressé qu’on le veuille ou non malgré ce que l’on dit ici ou là.

Quid de la « sondocratie » et du rôle des faiseurs d’opinion ?

Quid de leur effet sur le nombre des candidats ? Contrairement à une idée reçue, elles ne règleront pas le problème de la division des candidats et ne mettront nullement à l’abri du syndrome du 21 avril les candidats des principaux partis.

Quid du déphasage entre le temps des primaires et celui de l’élection présidentielle ?

Choisir un candidat six mois à l’avance, n’est-ce pas prendre le risque d’une déconnexion entre un instant T, l’élection présidentielle, et un instant T-6, la primaire ?

Le candidat ou la candidate choisi(e) à T-6 est-il bien celui que l’on souhaite à l’instant T eu égard à la situation du moment et au contexte dans lequel se déroule l’élection présidentielle ?

Quid de l’hypothèse où un candidat vainqueur à l’issue d’une primaire déconnectée du temps de l’élection présidentielle serait empêché en raison de la survenue postérieurement à cette désignation  de faits ou d ‘évènements imprévisibles, tels ceux par exemple d’un certain 14 mai 2011 ? Faudrait-il, par exemple, reprendre la procédure depuis le début ?

En vérité, je réaffirme et je continuerai à le faire même si la proposition iconoclaste que j’ai déjà formulée à plusieurs reprises n’a pas l’heur de plaire aux politologues et moins encore aux politiques, que seule l’instauration d’un troisième tour  à l’élection présidentielle permettrait d’instaurer une primaire généralisée ouverte à l’ensemble du corps électoral. Cette primaire se ferait lors d’un premier tour ouvert à tous les candidats investis ou non par leur parti et disposant des parrainages nécessaires.

A la différence de ce qui se fait aujourd’hui, les candidats ayant obtenu à l’issue du premier tour, 5% ou 10% des voix auraient le droit de se maintenir et si aucun d’entre eux n’obtenait la majorité absolue des voix, les deux arrivés en tête resteraient seuls en compétition lors d’un troisième tour. Un tel système aurait le double avantage, d’ouvrir davantage le jeu démocratique et d’éviter que ne se reproduise le syndrome du 21 avril 2002 et que ne se perpétue cet appel pathétique au vote utile, vote utile qui tend à restreindre le choix des électeurs et nuit ainsi au pluralisme politique dans notre pays.

Je m’étonne que certains qui, tout en critiquant parfois de façon excessive et selon moi déplacée les institutions de la Ve République, se refusent à les amender en introduisant des règles et mécanismes de nature à rendre la vie politique plus consensuelle.

L’avenir des primaires n’a de sens que si on les généralise par l’institution d’un troisième tour comme il vient d’être dit.

Gérard-David Desrameaux

Directeur de la Lettre ECP

 

  • Se reporter à deux éditoriaux précédents publiés sur ce site :
  • « Primaires : Une fausse bonne idée » (5-12-2010)
  • « Instituer un troisième tour à l’élection présidentielle » (17 avril 2011)