17/06/2012
POUR UNE REFORME EN PROFONDEUR DU MODE DE SCRUTIN
Editorial
L’élection présidentielle domine le paysage politique à un point tel que la campagne des législatives paraît en revanche bien terne et le nombre élevé d’abstentions lors du premier tour le dimanche 10 juin 2012 confirme le peu d’appétence pour ce type d’élections alors qu’il en allait sensiblement différemment il y a encore un certain nombre d’années.
Les raisons de cet apparent désintérêt sont multiples et il va bien falloir tirer les enseignements qui s’imposent si l’on veut que la démocratie soit préservée dans notre pays au-delà des prochaines échéances électorales.
Je ne manquerai pas de faire état de ces divers enseignements au cours des semaines et des mois qui viennent.
Je souhaite d’ores et déjà insister sur un premier enseignement qui commande, me semble-t-il tous les autres :
La France souffre d’un réel problème de représentativité de ses courants de pensée. Le scrutin majoritaire à deux tours, s’il assure aux gouvernants successifs depuis des décennies des majorités souvent confortables et en principe relativement homogènes leur permettant de gouverner dans la durée et dans une relative stabilité, il a, en revanche, le grave inconvénient de faire disparaître artificiellement des courants de pensée bien réels, nullement fictifs, qui sont privés de toute représentation notamment au plan national.
Ceci engendre des frustrations bien légitimes et donne lieu parfois à des dénonciations d’un système qui n’assure pas à toutes les sensibilités politiques des droits identiques au regard de la représentation nationale.
Tout ceci n’est pas nouveau.
Depuis des années, voire des décennies, des voix s’élèvent pour que soit instauré un mode de scrutin qui soit à la fois capable d’assurer la stabilité nécessaire dont a besoin tout exécutif digne de ce nom mais aussi la légitime aspiration des grandes familles politiques à être équitablement représentées au sein du Parlement.
Cela implique une réforme en profondeur du mode de scrutin. L’introduction d’une simple dose de proportionnelle comme cela a été suggéré par plusieurs partis politiques au cours de l’élection présidentielle ne résoudrait pas le problème et risquerait même de l’aggraver pour d’évidentes raisons sur lesquelles j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer (voir de précédents éditoriaux) et sur lesquelles je reviendrai là encore au cours des prochaines semaines et des prochains mois à la manière d’un leitmotiv car ce doit être désormais une priorité.
Certes, il se trouvera de bons esprits, apôtres du « ne rien faire, ne rien dire, ne rien changer » qui prétendront que ce n’est pas le moment, que la crise est là, que les Français ont d’autres soucis, d’autres centres d’intérêt, en un mot qu’il y a d’autres priorités.
A tous ceux-là, il faut dire qu’ils se trompent. Il y a urgence à créer un climat plus serein et à apaiser les cœurs et les esprits.
Permettre à toutes les sensibilités politiques d’être représentées, y compris à celles dont on se sent, le cas échéant, le plus opposé, le plus éloigné, c’est faire œuvre de salut public et défendre l’intérêt général car la démocratie implique l’existence de débats aussi ouverts que possible au sein du lieu où par définition l’on débat, l’on parle, c’est-à-dire le Parlement.
J’ajoute, et ceci n’est pas négligeable, une digne représentation des forces politiques rendrait chacune d’entre elles libre à l’égard des autres et éviterait toute sorte de collusion, de contorsions et d’alliances souvent contre nature portant ainsi atteinte à la cohésion d’un courant politique auquel on peut par ailleurs adhérer.
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP
A PROPOS DES PARTIS POLITIQUES
Les partis politiques quels qu’ils soient seraient bien inspirés de s’interroger à la lueur des derniers scrutins, et sans préjuger des résultats du dimanche 17 juin, quant à l’impérieuse nécessité pour eux d’entendre la voix de leurs adhérents et au-delà de ces derniers de leurs sympathisants et électeurs.
S’ils veulent à juste titre que vive et s’épanouisse la démocratie au plan national et local et que soit assurée une juste et digne représentation des courants de pensée au sein du Parlement comme au sein des assemblées locales et du Parlement européen, ils doivent avoir parallèlement le souci premier de faire vivre la démocratie en interne.
Les problèmes liés aux alliances, les choix stratégiques, les orientations politiques, les choix des candidats ne peuvent être l’affaire exclusive de dirigeants qui, se sentant investis d’une mission qui trop souvent les dépasse et les éloigne des réalités, notamment du terrain, entendent décider de tout, au nom de tous, dans le silence d’instances auxquelles le plus souvent n’est jamais conviée l’armée de militants dont on aura ensuite l’indécence de mobiliser pour venir distribuer des tracts, coller des affiches et faire la claque dans des meetings.
Dans le même temps la désignation de trop de candidats ou candidates insipides, sans charisme, sans programme, sans projet clairement défendu, contribue à donner l’impression dans bien des cas, au-delà d’un amateurisme déconcertant, à un immense gâchis et ternit l’image de ce que l’on est en droit d’attendre d’un authentique débat démocratique.
Mon jugement peut paraître sévère mais il ne fait que traduire un sentiment bien réel et qui est cruellement ressenti par nombre de citoyens qui, aimant la politique, se désespèrent d’assister muets et impuissants à un triste spectacle où le pathétique une fois de plus s’allie au dérisoire, voire au ridicule !
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP
28/05/2012
POUR UN DEVOIR DE COHERENCE
Editorial
Le peuple français a tranché le 6 mai 2012 au terme d’une campagne électorale assez dure au cours de laquelle certains thèmes ont attisé les passions et accentué les clivages en un temps où il aurait fallu pouvoir davantage mettre l’accent sur l’union et l’intérêt général compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre pays confronté comme ses voisins de l’Union européenne à une crise économique, financière et sociale particulièrement grave.
Désormais, il est souhaitable d’apaiser les esprits et de faire naître la confiance et l’espoir.
J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de dire et d’écrire que le pluralisme passait par le choix d’un mode de scrutin proportionnel.
J’en demeure bien évidemment persuadé et il conviendra d’inscrire cette réforme à l’ordre du jour dans des délais raisonnables, car une réforme électorale tardive, c’est-à-dire à la veille d’une échéance électorale, est tout simplement impossible dès lors que l’on prête alors à ses auteurs des intensions, cachées ou non, incompatibles avec le souci démocratique.
Nous sommes désormais à la veille d’élections législatives venant à échéance normale, c’est-à-dire au lendemain d’une élection présidentielle.
Un quinquennat nouveau commence. Une majorité nouvelle a permis l’élection de François Hollande qui devient ainsi le deuxième président socialiste de la Ve république avec un nombre de suffrages assez proche de celui obtenu en 1981 par son prédécesseur François Mitterrand.
Les institutions étant ce qu’elles sont, le mode de scrutin majoritaire à deux tours étant ce qu’il est, il est donc nécessaire, même si l’on est partisan d’un mode de scrutin proportionnel favorisant la formation de majorités d’idées et à géométrie variable selon les thèmes, de faire en sorte que majorité parlementaire et majorité présidentielle coïncident dans un souci évident de cohérence et d’efficacité.
C’est d’ailleurs le thème mis systématiquement en avant par tous les présidents de la Ve République depuis 1958, même si un seul, François Mitterrand, a pu dire en 1988 qu’il n’était pas bon qu’un parti exerce seul le pouvoir et de fait, alors que le chef de l’Etat avait été réélu avec 54% des voix, il ne bénéficia un mois plus tard que d’une majorité relative au sein de l’Assemblée nationale.
Tous ont en effet insisté pour que le corps électoral leur donne une majorité susceptible de leur permettre de mettre en œuvre le programme sur lequel ils ont été élus.
C’est la logique des institutions et du calendrier électoral.
Or, aujourd’hui, rompant avec le discours qu’ils tenaient depuis des décennies, les anciens dirigeants devenus opposants déclarent qu’il serait dangereux que tous les pouvoirs soient entre les mains d’un seul camp et appellent de leurs vœux, ce faisant, une nouvelle cohabitation.
Une telle cohabitation, même si elle ne paraît pas être aujourd’hui l’hypothèse la plus plausible, ni même d’actualité, pourrait très bien se produire et se produira probablement un jour. Il s’agirait alors d’une cohabitation d’un genre nouveau, à savoir d’une cohabitation de début de quinquennat alors que les précédentes de 1986 et de 1993, d’une durée de deux ans, intervenaient en fin de septennat et celle de 1997, d’une durée de cinq ans, intervenait à la suite d’une dissolution malheureuse au bout de deux ans d’un septennat.
Il y aurait ainsi deux légitimités opposées dès le début d’un quinquennat et le risque de voir s’installer une dyarchie entre le président de la République et un gouvernement particulièrement conflictuelle. Autrement dit, une telle situation ne s’apparenterait sûrement pas à une union nationale. Le risque serait grand de voir une crise politique majeure s’ajouter à la crise que nous connaissons aujourd’hui et qu’il convient en priorité de juguler.
Aussi, est-il particulièrement souhaitable qu’un vote de confiance, s’apparentant à un devoir de cohérence, confirme le choix du 6 mai dernier.
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP