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21/06/2016

SAVOIR RAISON GARDER

 

Editorial

La violence du verbe, l’extrémisme sous toutes ses formes sont les signes de sociétés malades et en manque de repères. Elles sont indiscutablement la marque de systèmes politiques qui ne sont plus à même d’assumer cette tâche fondamentale qui consiste à dégager des consensus et à préserver la cohésion de la société dont ils ont la charge.

La violence frappe ici ou là, de nouveau et de façon récurrente, certes un peu partout à travers le monde, mais aussi de plus en plus au cœur de cette Europe en voie de constitution, à l’intérieur de chacun des Etats la composant.

La violence, qu’elle soit verbale ou physique, n’a jamais cessé d’exister depuis que le monde existe. Elle fait partie intégrante de notre cadre de vie et a toujours occupé, hélas, si l’on peut dire, une place de choix dans les difficiles relations humaines. Il en est de même, s’agissant des relations entre les Etats et entre les peuples.

La paix n’est souvent qu’une parenthèse, un moment éphémère, fugace que l’on croit définitif, acquis pour la vie, alors que déjà tonnent à l’horizon les démons de la haine, du refus, du rejet de l’autre, des autres, de tous les autres.

Les démagogues reprennent de la voix, entonnent des chants guerriers, exaltent les ressentiments, invectivent ceux qui n’ont pas l’heur de leur plaire et excitent les passions en ayant toujours recours aux plus viles doctrines.

La violence du verbe, en effet, arme ici ou là le bras d’un terroriste fanatisé au service d’une cause d’un autre temps, d’un nationaliste exacerbé, d’un xénophobe, d’un raciste de quelque obédience que ce soit car toute forme de racisme, y compris anti-blanc, est inqualifiable, d’un antisémite d’hier, d’aujourd’hui ou de demain.

Ici, des policiers sont tués parce qu’ils sont policiers, là, d’autres le sont parce qu’ils sont qualifiés de mécréants par des terroristes islamistes, d’autres parce qu’ils sont Juifs, Chrétiens, Musulmans, agnostiques, athées, défenseurs de la liberté d’expression et d’opinion, journalistes, élus défendant une cause en laquelle ils ont le droit de se reconnaître et de tenter de faire partager leur point de vue.

Le démagogue et avec lui le populiste dénaturent la démocratie, ce n’est pas une nouveauté, car ils sont capables de caricaturer, de grossir à dessein les traits, étant incapables en revanche, car tel n’est pas leur intérêt, d’expliquer rationnellement et de faire œuvre pédagogique.

Par leurs généralisations abusives, par leurs propos outranciers, par l’énoncé de leurs solutions simplistes, ils égarent celles et ceux qui se jettent dans leurs bras, convaincus d’avoir été entendus alors qu’ils n’ont été que manipulés et abusés

Aujourd’hui, à travers toutes les nations d’Europe, au sein desquelles la génération venue aux responsabilités après la seconde guerre mondiale avait voulu constituer un espace de paix et de liberté, des forces irrespectueuses du combat de leurs pères, aveugles quant aux conséquences de leurs comportements, sourdes aux appels de ceux qui veulent construire et bâtir et non détruire, des forces donc, tentent de tourner une page importante de l’histoire de l’Europe.

De nouveau, elles invoquent le  chacun pour soi, le  repli identitaire, le refus de l’autre et le morcellement de l’Europe qu’ils condamnent ainsi à la paralysie, voire à la mort, en un temps où seuls les Etats continents ont et auront plus encore demain la capacité d’exister sérieusement, autrement dit de compter et de participer à la marche du monde.

Ce climat d’intolérance et de radicalisation que j’ai souvent eu l’occasion de dénoncer est intolérable et tout simplement méprisable et insupportable à la fois.

Halte à la surenchère et à l’engrenage qui ne pourront l’une et l’autre que nous entraîner sur une pente fatale et sans doute irréversible.

Oui, sachons plus que jamais raison garder avant qu’il ne soit trop tard !

Gérard-David Desrameaux

10/01/2016

François Mitterrand : Vingt ans après

 Editorial

En janvier 1996, à la suite du décès de François Mitterrand, j’écrivais dans « La Lettre Ethique Civisme et Politique » : « De François Mitterrand, on retiendra beaucoup de choses et d’innombrables images resurgiront de notre mémoire collective.

On retiendra d’abord le visionnaire qui a su inscrire son action dans le temps et la durée et qui ne prenait jamais ses décisions de façon impulsive sous le coup de l’émotion.

François Mitterrand était un homme libre qui entendait demeurer libre de ses choix et n’acceptait pas de devoir trancher sous la contrainte.

On retiendra l’homme d’Etat qui au plan international a mené un combat inlassable pour la paix tout en sachant, en revanche, établir la distinction qui s’imposait entre les artisans de la paix dont il était et les pacifistes. (…).

De François Mitterrand, on retiendra l’Européen convaincu qui n’a pas ménagé ses efforts pour rapprocher les peuples de notre continent et plus particulièrement à partir d’une solide coopération entre la France et l’Allemagne.

On retiendra le socialiste de raison qui, partisan du socialisme du possible, a su prôner un retour à l’authenticité du socialisme et redonner vigueur à partir du congrès d’Epinay en 1971 à un parti qui n’était plus que l’ombre de lui-même. Ce faisant, on retiendra qu’il a redonné espoir à la gauche en mobilisant des millions de femmes et d’hommes qui désespéraient de voir un jour le camp du progrès l’emporter.

On retiendra le Président de la République réélu pour la première fois au suffrage universel direct et qui, tout en ayant combattu les institutions de la Vème République et tout en ayant souhaité les réformer en profondeur, a su, par une exacte lecture de la Constitution faire en sorte que par deux fois des cohabitations harmonieuses se déroulent dans un climat relativement apaisé tout en veillant scrupuleusement au respect de ses prérogatives, pas les siennes personnellement, bien entendu, mais de celles qui étaient attachées à l’exercice de ses fonctions.

On retiendra l’homme de culture, l’humaniste, le défenseur inlassable des droits de l’homme qui fit abolir la peine de mort, supprimer les tribunaux d’exception, libérer les ondes…

On retiendra bien d’autres choses de François Mitterrand. L’Histoire le reconnaîtra à l’évidence comme l’un des plus grands politiques de ce siècle qui s’éteint avec lui.

Pour notre part, nous n’oublierons pas l’homme qu’il a été, l’homme courageux face à l’adversité, face à la maladie, face à la mort.

Nous n’oublierons pas combien il a été fidèle en amitié et nous lui resterons au-delà de la mort fidèles afin de ne pas rompre ce lien qui nous unissait à lui, nous qui avons eu l’honneur et le privilège de l’approcher, de le connaître et de participer à ses combats ».

Vingt ans après, je suis dans le même état d’esprit.

Je n’ai rien à retirer à ces quelques lignes.

A l’instar du général de Gaulle, François Mitterrand est entré dans l’Histoire. Il est un exemple, un modèle, voire une référence comme l’avait indiqué à juste titre il y a cinq ans à Jarnac, le président de l’Institut François Mitterrand, Hubert Védrine.

D’un point de vue éthique j’ai envie d’ajouter que nul ne saurait s’approprier à titre exclusif la pensée d’un homme d’Etat dont la complexité et la richesse ne sont plus à démontrer. François Mitterrand n’est ni l’homme d’un clan, ni même celui d’un parti. Il appartient désormais à l’Histoire.

Je regrette parfois, je regrette souvent, que des contrevérités, des jugements hâtifs et de fausses affirmations puissent être répétés régulièrement par de pseudos commentateurs et analystes adeptes d’une certaine désinformation qui profitent du temps qui passe sans être efficacement démentis par des témoins d’une page importante de notre histoire.

Gérard-David Desrameaux

 

13/12/2015

UN MODE DE SCRUTIN INIQUE

Editorial

 J’ai toujours été critique à l’égard des modes de scrutin qui n’assurent pas une représentation équitable des forces politiques et ne permettent pas au pluralisme de s’exprimer vraiment comme il devrait pouvoir le faire dans un Etat de droit.

Les élections régionales interpellent la classe politique car nous voyons bien vers quoi peut déboucher un système qui était destiné à assurer un pouvoir pérenne à certains partis politiques incapables d’anticiper demain et d’envisager leur perte d’influence.

L’état des forces en présence n’est évidemment pas immuable et ce qui vous favorise un jour peut vous pénaliser un autre jour.

Certains ne pensent jamais à « l’effet boomerang » toujours possible résultant d’une mesure ou d’une décision, alors que tout bon politique devrait y songer.

Il convient, en tout état de cause de faire un constat : la recherche à tout prix d’une majorité pour assurer la stabilité d’exécutifs dits forts, stables, cohérents et homogènes n’est pas une approche éthique et sérieuse.

En effet, il s’agit en l’espèce d’une fausse représentation proportionnelle, d’un système mixte au caractère majoritaire affirmé, puisqu’il s’agit d’un mode de scrutin accordant une prime en nombre de sièges de 25% à la formation politique arrivée en tête.

De tels systèmes sont en vérité qualifiés à tort de proportionnels dès lors qu’ils favorisent de fait une liste, celle qui est arrivée en tête.

Aussi, ne faut-il pas s’étonner qu’un divorce s’installe entre les représentants et les représentés, certaines forces politiques étant exclues de toute représentation et nombre de citoyens ayant ainsi le sentiment que leurs voix ne sont pas prises en compte.

On ne peut dire à cet égard décemment qu’il faut rapprocher les citoyens des politiques et réhabiliter la politique tout en acceptant un système qui privilégie la recherche de fausses majorités au nom d’une prétendue efficacité et d’une hypothétique stabilité tout en excluant de la représentation nationale une partie importante du corps électoral.

Ceux qui ont donné naissance à ce mode de scrutin pour les élections régionales - on pourrait en dire autant de ceux qui ont donné naissance au mode de scrutin retenu pour les élections municipales (avec une prime de 50% pour la liste arrivée en tête) - et qui ont cru qu’ils pourraient bénéficier d’un système leur assurant la formation de majorités stables, amples et confortables de façon pérenne, se retrouvent, à l’image de Frankenstein, dépassés par la créature à laquelle ils ont donné le jour.

Le piège se referme sur eux, tel un effet boomerang, et désormais une force populiste et extrémiste pouvant être cette fois-ci ou sans doute plus tard, si on n’y prend garde, être la grande bénéficiaire d’un système électoral au demeurant inique.

Les avocats de ce type de scrutin devraient admettre leur erreur et reconsidérer leur position. Seule une légitime et équitable représentation des forces politiques en présence permettra demain d’obtenir tant au plan national qu’au plan local (régional, départemental et municipal) de dégager des majorités d’idée ou de projet et l’apparition d’une culture du consensus et non plus le maintien de celle de l’affrontement permanent, c’est-à-dire du camp contre camp, pouvant toujours déboucher, dans des périodes troubles et de grande incertitude caractérisées par des discours de haine et le culte du dénigrement, vers des risques de guerre civile.

La paix sociale et la stabilité des institutions de la République appellent une authentique prise de conscience de la part des femmes et des hommes qui ont aujourd’hui en charge les destinées du pays et de ceux qui y aspirent pour demain.*

Gérard-David Desrameaux 

* Je n’exprime pas cette position eu égard au contexte politique actuel. Il ne s’agit pas d’un propos de circonstance. Il s’agit bien d’une position de fond que je défends depuis toujours et que j’avais eu l’occasion d’exprimer dans mon livre consacré au droit électoral publié en 2013 aux éditions Studyrama et dont je reproduis ci-dessous quelques extraits relatifs aux scrutins mixtes.

 

* Extrait du livre « Droit électoral » de Gérard-David Desrameaux, Editions Studyrama, 2013 :

 

« On oppose traditionnellement les systèmes majoritaires et les systèmes proportionnels, sans oublier les systèmes mixtes qui allient le scrutin uninominal à la représentation proportionnelle, certains candidats étant élus dans le cadre de circonscriptions au scrutin majoritaire et d’autres selon un scrutin proportionnel.

Force est de constater que l’imagination, en matière de conception de modes de scrutin, est particulièrement fertile. Car au-delà de cette division classique, il faut avoir à l’esprit que les modes de scrutin sont légion et particulièrement variés.

Ainsi, au-delà des qualifications et des caractéristiques prêtées à ces types de scrutin, il faut être bien conscient que les descriptions de ces systèmes doivent être relativisées et que les avantages et inconvénients prêtés aux uns et aux autres doivent être nuancés eu égard au fait que les modèles purs sont souvent corrigés par des modalités qui les rapprochent plus ou moins du système opposé.

Ces divers types de scrutin jouent incontestablement sur les résultats. Il faut là encore avoir à l’esprit à cet égard que si autant de systèmes ont pu voir le jour avec des succès au demeurant plus ou moins mitigés, c’est que ceux qui les ont inventés aspiraient à en tirer un certain nombre d’avantages en termes de pouvoir et d’audience politique.

L’étude des modes de scrutin et des règles spécifiques à chaque type d’élection fait apparaître l’existence de dispositions qui varient d’une élection à l’autre sans que l’on sache très bien pourquoi de telles différences existent. La pertinence de ces différences n’apparaît pas vraiment et sans doute une réforme d’ensemble, faite dans la transparence et la cohérence, serait la bienvenue. Encore une fois, des règles claires, équitables et si possible pérennes, devraient être privilégiées quand on fait le choix d’un mode de scrutin.

Pour s’en tenir à deux aspects, rappelons qu’à l’occasion des élections législatives, pour pouvoir se présenter au second tour, il faut avoir obtenu au moins 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.

Or, pour pouvoir se présenter au second tour des élections municipales dans les communes de plus de 3500 habitants ainsi que pour les élections régionales, une liste doit avoir obtenu au moins 10 % du nombre des suffrages exprimés.

Dans le même sens encore, s’agissant des primes (pourcentage de sièges supplémentaires accordés en plus à une liste arrivée en tête), le pourcentage n’est pas le même selon le type d’élection.

Ainsi, pour les élections municipales, la liste arrivée en tête obtient la moitié des sièges, le reste des sièges étant réparti entre toutes les listes, y compris celle qui est arrivée en tête selon un mode de scrutin proportionnel à la plus forte moyenne. Les listes n’ayant pas obtenu au moins 5% des suffrages exprimés n’étant pas admises à la répartition des sièges (art. L. 262 du code électoral).

En revanche, pour les élections régionales, la liste arrivée en tête obtient un nombre de sièges égal au quart du nombre de sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur. Les autres sièges sont ensuite répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Là encore, les listes qui n’ont pas obtenu au moins 5% des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges (art. L. 338 du code électoral).

Ces disparités ne jouent pas en faveur de la transparence et de la simplicité. Voilà autant de questions auxquelles il serait souhaitable d’apporter des réponses simples et claires à l’occasion d’une réforme d’ensemble se fixant pour objectif de rapprocher les citoyens de la politique et de combattre un désintérêt tout relatif des citoyens pour la chose publique. »