28/02/2019
De la révision de notre Constitution
Editorial
Depuis des années, pour ne pas dire quelques décennies, je défends l’idée d’une évolution de notre système institutionnel, qui se caractérise aujourd’hui par un présidentialisme accentué, vers un véritable régime présidentiel.
En effet, seul un tel régime me paraît être susceptible d’assurer un réel équilibre des pouvoirs tout en assurant la stabilité politique nécessaire à la pérennité de notre Etat de droit, à la différence des solutions préconisées par ceux qui prônent aujourd’hui sur fond de démagogie et de «dégagisme», l’instauration d’un pouvoir faible, se caractérisant par un régime d’assemblée, accordant une large place à une forme de démocratie directe avec pouvoir de révocation des élus et des gouvernants.
Or, il faut avoir conscience qu’un tel régime est irréaliste dans les faits dans le cadre de grandes démocraties à l’instar de la nôtre et ne saurait être tout simplement adapté à notre pays.
Je regrette, à cet égard, l’aveuglement de nombre de femmes et hommes politiques mus sans doute par un attachement de nature idéologique à un système politique qui, certes, a permis dans un premier temps de rompre avec la funeste instabilité de feu la IVe République, mais qui, avec le temps, a montré ses limites et engendré de fait une nouvelle forme d’instabilité, le débat se faisant trop souvent plus dans la rue que dans le cadre de nos hémicycles.
Je regrette plus encore l’aveuglement de nombre de politologues, politistes, analystes et observateurs de la vie politique qui n’ont pas vu se profiler la crise sociale, politique et institutionnelle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés et ont prôné le statu quo alors que quelques aménagements et adaptations de notre Constitution, à l’instar de celles que je préconisais dans mes deux derniers ouvrages : Refondons nos institutions, d’une monarchie républicaine à une démocratie républicaine et De l’alternance au partage du pouvoir, faut-il en finir avec nos modes de scrutin ? auraient sans doute permis de ne pas creuser un véritable fossé entre une partie du peuple et ses représentants.
L’hyper concentration des pouvoirs entre les mains d’un président de la République élu au suffrage universel direct et le maintien d’un parlementarisme rationalisé à l’excès débouchent sur un déséquilibre indiscutable des pouvoirs, le pouvoir législatif étant victime d’un système représentatif inadapté, dès lors qu’il ne permet pas une juste et authentique représentation des courants de pensée qui irriguent le pays.
Au cours des jours et des mois qui viennent, je reviendrai régulièrement sur les propositions de réformes constitutionnelles que je préconise. Ces propositions constituant autant de contributions au grand débat qui se développe aujourd’hui au sein du pays.
Gérard-David Desrameaux
18:02 Publié dans éditoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : constitution, refondons nos institutions, de l'alternance au partage du pouvoir, modes de scrutin, équilibre des pouvoirs, gérard-david desrameaux
28/05/2011
IL NE SAURAIT Y AVOIR D'EQUILIBRE DES POUVOIRS SANS PLURALISME EFFECTIF
Editorial
Il n’y a pas équilibre des pouvoirs réel si le législatif et l’exécutif sont tous deux issus d’une même et semblable majorité au point de se confondre. Le fait majoritaire engendre, qu’on le veuille ou non, un système politique où la séparation est des plus ténue, comme c’est le cas actuellement en France, quand il y a coïncidence entre majorité présidentielle et majorité parlementaire car le législatif et l’exécutif marchent quasiment d’un même pas et dans la même direction et ont intérêt à se préserver mutuellement de l’opposition. Selon la plus ou moins grande homogénéité de la majorité et de la plus ou moins grande convergence des projets de cette majorité avec ceux du Gouvernement qu’elle soutient l’équilibre souhaitable peut ne pas être réalisé. Cet équilibre sera d’autant moins atteint que les mécanismes de contrôle seront défaillants ou tout simplement insuffisants comme cela existe dans notre pays en raison d’un parlementarisme excessivement rationalisé en réaction au régime dit d’assemblée de feu la IVe République !
Donner plus de pouvoir à l’ Assemblée face à l’exécutif apparaît ainsi, certes comme une nécessité, notamment par un renforcement des commissions d’enquête et de ses pouvoirs de contrôle et d’évaluation des lois, mais ne suffira pas à établir l’équilibre recherché en l’absence d’une représentation la plus fidèle qui soit de la volonté populaire. Or, et c’est là le point essentiel, nous souffrons d’un véritable déficit au plan de la représentation nationale qui nous interdit de parler sérieusement de la nécessité de contre-pouvoirs.
Pourquoi inventer des schémas plus ou moins compliqués, élaborer des théories particulièrement complexes alors que le véritable contre-pouvoir réside tout simplement dans l’existence d’une juste représentation nationale.
A partir du moment où le pluralisme des sensibilités est respecté et où les forces politiques qui contribuent à l’expression du suffrage sont légitimement représentées au sein du Parlement, lieu où l’on parle, lieu de dialogue, lieu de débats et lieu désigné pour que s’élaborent les compromis, le contre-pouvoir le plus efficace est alors mis en place et contribue à cet équilibre des pouvoirs, indispensable à toute démocratie sereine.
A partir de ce moment-là encore, bien des conflits pourraient être réglés plus aisément et bien des crises pourraient être évitées limitant le contre-pouvoir de la rue qui est parfois synonyme de désordre et de violences et annonciateur de lendemains qui déchantent le plus souvent.
Il ne sert à rien en vérité de « discourir » sur les vertus de l’existence de contre-pouvoirs quand, dans le même temps, on s’efforce d’abord et toujours de verrouiller un système et de porter atteinte au pluralisme, en radicalisant un discours sur un ton guerrier, puis ensuite en refusant de modifier de façon substantielle la représentation du peuple souverain au sein de l’Assemblée nationale.
Il faut s’en convaincre, si certains peuvent encore en douter : il n’y a pas, il ne peut y avoir, il ne saurait y avoir d’équilibre des pouvoirs aussi longtemps qu’on s’efforcera de prolonger, voire d’accroître le déséquilibre de la représentation nationale en excluant toute une série de sensibilités politiques et de courants de pensée.
Tous les démocrates devraient sérieusement méditer sur ce qui s’est passé en 2007 lorsqu’un parti dont le président, François Bayrou en l'espèce, avait recueilli lors des dernières élections présidentielles près de 19% des voix a été quasiment privé de toute représentation en raison d’une loi électorale profondément injuste et du comportement des hommes insuffisamment attachés à cette idée d’éthique sans laquelle, et j’insiste une fois encore, toute réforme en profondeur des mœurs politiques et des institutions risque de rester dans le domaine du rêve et de l’utopie.
J’entends dire par certains qu’il faudrait « instiller une dose de proportionnelle ». Je vois dans cette expression comme une forme de mépris à l’égard du peuple et de sa représentation nationale. C’est comme si, pour calmer les ardeurs qui montent des entrailles de la démocratie et faire taire les clameurs des démocrates, on acceptait de jeter du lest comme on jette quelques miettes aux oiseaux affamés qui piaillent d’impatience sous l’emprise de la faim ! Seule une véritable représentation proportionnelle permettra au pluralisme de s’épanouir pleinement en n’excluant aucune force politique de l’indispensable dialogue, prélude aux compromis et aux équilibres garants de la vraie stabilité.
Benjamin Constant a pu écrire dans De l’esprit de conquête et de l’usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne : « (…) de tous les fléaux politiques, le plus effroyable est une assemblée qui n’est que l’instrument d’un seul homme ».
Pourquoi cette tendance de tant de dirigeants, représentants d’un camp, d’un parti, d’un syndicat, d’un groupe à vouloir détenir la totalité du pouvoir ? Est-ce pour davantage d’efficacité ? Si tel est le cas, cela se saurait à l’aune des résultats et des réalisations. En fait, le plus souvent les majorités les plus massives, détenant l’intégralité des leviers de commande, capables de nommer qui elles veulent, là où elles le souhaitent et de « faire passer » tous leurs textes sans difficultés apparentes au Parlement sont souvent conduites à céder sous le poids des manifestations de rues qui suppléent l’absence d’opposition crédible capable de débattre et de contrôler autant qu’il le faudrait. Puis, ce qu’une majorité détentrice de tous les pouvoirs aura fait sera plus sûrement défait par la majorité suivante que cette dernière sera tout aussi massive, tout aussi absolue.
Je ne dis pas qu’il est illégitime de vouloir obtenir une majorité de sièges et de voix quand on préside aux destinées d’un parti politique, voire d’une coalition de partis, mais qu’il n’est pas sain que l’on veuille détenir tous les leviers de commande à la fois et réduire à sa plus simple expression, et ce au point de l’humilier, l’opposition. Une telle attitude étant précisément attentatoire à cette idée d’équilibre des pouvoirs et confirmant l’exactitude de la formule de Montesquieu. L’opinion publique constitue un nécessaire et légitime contre-pouvoir qui est consubstantiel à toute démocratie digne de ce nom. Elle participe à la prise de conscience des dirigeants, des gouvernants qui, avant de prendre leurs décisions ou de légiférer, doivent parfaitement connaître les problèmes auxquels sont confrontés leurs concitoyens ainsi que leurs préoccupations et aspirations.
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP