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01/11/2015

GOUVERNER OU L'ART DU POSSIBLE

Editorial

En politique, il convient de savoir anticiper. Gouverner, c’est en effet notamment faire preuve de discernement et être si possible maître des événements à venir. Je dis si possible car bien évidemment, des faits, des actes, des données imprévisibles peuvent à tout instant faire irruption sur la scène nationale ou internationale et empêcher celles ou ceux qui exercent le pouvoir d’appliquer tout à fait la politique pour laquelle ils ont été élus ou investis.

Mais précisément, si « gouverner, c’est prévoir », si « gouverner, c’est choisir », pour paraphraser des formules célèbres, ceci n’est envisageable qu’à condition d’intégrer comme relevant de l’ordre du possible des choses qui ne sont pas inscrites dans l’ordre naturel des choses.

Tout n’est pas possible, en effet. Le monde merveilleux, souhaité, pensé, appelé de nos vœux ne peut s’édifier comme d’un coup de baguette magique. Il faut du temps et beaucoup de patience et de maîtrise de soi.

Il faut tenir compte de l’histoire du monde, de celles des civilisations, ce qui revient souvent au même, et prendre en considération des paramètres multiples car si l’histoire ne se répète pas toujours à l’identique, il y a des constantes et des phénomènes multiples qui ont tendance à se renouveler et à se reproduire.

Gouverner, c’est avoir la capacité de dépasser ce qui, dans un premier temps, apparaît comme étant irréductible. C’est savoir transcender les clivages qui se veulent définitifs. C’est savoir concilier les contraires et donc vaincre les visions manichéennes et sectaires qui polluent trop souvent la vie des démocraties et a fortiori celle des régimes autoritaires.

Gouverner, ce n’est pas seulement prévoir et donc anticiper, c’est aussi faire preuve de lucidité et tenir compte de nombre de paramètres car à défaut c’est le désordre et l’échec assuré de tout projet sérieux et crédible.

Gouverner, c’est prendre en considération l’ensemble des facteurs permettant de ne jamais nuire à l’intérêt général tout en garantissant à chacun le respect de ses droits les plus fondamentaux.

L’exercice n’est évidemment pas aisé car il y a souvent de multiples contradictions entre ces deux impératifs mais cette recherche est  tout à fait fondamentale car d’elle dépend l’harmonie d’un groupe, d’un peuple, d’une nation, et s’agissant de l’Union européenne, de son affirmation en tant que Puissance.                                                           

Gérard-David Desrameaux

17/10/2015

UN REFERENDUM INOPERANT

Editorial

 Le Parti socialiste organise ce week-end un référendum destiné aux militants et sympathisants de gauche, la question posée étant : « Face à la droite et à l’extrême droite, souhaitez-vous l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales ? ».

Cette procédure me paraît tout simplement inadaptée eu égard à la conjoncture politique nationale et internationale et aux dissensions qui existent au sein de la gauche dans son ensemble dans le contexte actuel, et de surcroît totalement inopérante au regard de la question posée.

Une telle initiative accrédite l’idée que le Parti socialiste n’a pas pris l’exacte mesure de la nature des problèmes qui préoccupent la population et des raisons qui éloignent les électeurs des urnes et favorisent la montée en puissance du  phénomène du rejet des politiques – je ne dis pas de la politique – ainsi que le succès des populismes.

Aujourd’hui, la situation n’est plus identique à celle dans laquelle se trouvait la France dans les années soixante et soixante-dix, époque où François Mitterrand oeuvrait à juste titre pour l’Union de la gauche.

Le rapport des forces  politiques n’est plus le même, les enjeux géostratégiques sont infiniment plus complexes dans un monde déstabilisé et les institutions de la  Ve République ont montré, au fil du temps et des alternances successives, que la règle du « camp contre camp » n’était plus adaptée et ne répondait plus aux exigences actuelles.

Il ne suffit plus d’appeler à l’unité de la gauche pour être en mesure de l’emporter et d’obtenir l’adhésion du corps électoral. Il faut  désormais avoir une vision différente de la politique, une approche plus consensuelle, plus à même d’appréhender les problèmes dans leur globalité et également être davantage à même de transcender les clivages et les choix partisans, afin de mieux servir l’intérêt général dans le respect des libertés individuelles.

Plutôt que de se lancer dans une opération référendaire aléatoire, sans aucune garantie démocratique et sans aucun impact réel sur la réalité des choses et sur la suite des événements, sans doute serait-il plus opportun de faire preuve d’imagination et de novation, de fixer des objectifs clairs, précis et ambitieux. Sans doute, aussi et surtout, serait-il plus utile de lancer une campagne en faveur d’une plus juste représentation des forces politiques, autrement dit  d’une loi électorale permettant à chaque parti de défendre en toute indépendance son projet, ses idées et donc de pouvoir mesurer concrètement l’impact de son discours, de son message ?

La démocratie serait évidemment la grande bénéficiaire d’une telle démarche.

Gérard-David Desrameaux

17/07/2015

Du bon usage de l'article 49-3 de la Constitution

Aux termes de l’article 49-3 de la Constitution de 1958 : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.»

Dans le cadre de la procédure relative à la loi dite loi Macron, le gouvernement a eu recours en toute légalité par trois fois à la procédure de l’article 49-3 rappelée ci-dessus.

Pour autant, certains,  et c’est le cas notamment de partisans du Front de gauche, parlent de « violation tragique » de la Constitution et, d’autres, on en trouve sur de nombreux bancs de l’Assemblée nationale, se lancent dans des diatribes insensées contre le recours à cet article.

Ainsi, M. Christian Jacob, fin juin 2015, s’adressant au Premier ministre lors du débat relatif à la loi Macron, précisément, a notamment déclaré : « On se souviendra de vous ici comme le Premier ministre  qui a humilié et trahi sa majorité, qui a violenté le Parlement et notre Constitution pour un tout petit dessein : se maintenir coûte que coûte à Matignon.»

De tels propos émanant d’un dirigeant se réclamant du gaullisme a de quoi surprendre. Car, en effet, s’il est exact que l’ancien président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a réduit les possibilités de recourir à la procédure de l’article 49-3 lors de la vingt-quatrième révision de la Constitution en 2008, cette faculté, pièce maîtresse du parlementarisme rationalisé introduit par le Constituant de 1958, a permis à de nombreuses reprises à différents gouvernements de droite, du centre et de gauche de faire adopter sans vote de nombreux textes.

En vérité, le recours à l’article 49-3 ne mérite ni l’excès d’indignité ni l’excès d’honneur dont il fait généralement l’objet lors des débats qui y sont consacrés.

En l’état actuel des choses, il est cependant permis de faire les observations suivantes :

Le recours à cet article doit demeurer, sinon d’un usage exceptionnel, d’un usage modéré. Il doit intervenir au terme de procédures et de débats qui doivent être les uns et les autres particulièrement riches. Il doit être de nature à rasséréner les esprits et éviter des débordements excessifs susceptibles de dénaturer le sens d’un texte et l’esprit d’un projet ou d’une réforme. A cet égard, il peut se présenter comme une arme efficace contre ceux qui s’efforcent de faire obstruction et de bloquer le jeu parlementaire.

Or, dans les faits, la procédure est demeurée assez exceptionnelle depuis le début du quinquennat. En l’espèce, s’agissant de la loi Macron, on ne peut vraiment pas dire qu’il n’y a pas eu de débat. Le recours à l’article 49-3 n’est intervenu qu’au terme de plusieurs mois de débats souvent passionnés, l’examen d’un nombre considérable d’amendements et l’ajout d’un nombre également considérable d’articles. Une réserve peut être cependant émise s’agissant du deuxième recours à cette procédure au début du deuxième examen du texte par l’Assemblée nationale dans la mesure où des dispositions nouvelles introduites après le passage devant le Sénat ont pu être adoptées sans avoir fait l’objet d’un débat. Il est évident que cela doit être en tout état de cause proscrit car il n’est pas acceptable que des dispositions non examinées puissent être adoptées sans vote.

En revanche, dans l’hypothèse où nous nous  dirigerions vers ce que j’appelle de mes vœux, à savoir l’instauration d’une authentique démocratie pluraliste fondée sur la recherche de consensus par l’émergence de majorités d’idées voire de majorités de projets, il conviendrait de conserver voire de renforcer le recours à l’article 49-3 afin d’éviter l’enlisement et le blocage, autrement dit le retour à un régime d’assemblée.

 

Gérard-David Desrameaux