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08/12/2019

Sortir d'un climat à la fois délétère et anxiogène

Editorial

 

Le projet de réforme des régimes de retraites tel qu’il a été présenté aux Français au cours des derniers mois a créé dans le pays un climat à la fois délétère et anxiogène.

On ne peut que le déplorer et regretter l’immense gâchis engendré par une déplorable communication qui n’a fait qu’accentuer au cours des derniers mois et des dernières semaines la confusion et l’incompréhension autour d’un projet qui pouvait avoir du sens s’il avait été raisonnablement expliqué et conçu de façon plus intelligible.

Tout citoyen de bonne foi peut comprendre aisément que deux facteurs fondamentaux doivent être pris en considération, à savoir l’évolution démographique et l’allongement de la durée de vie. Tout le monde peut également comprendre à partir de ces deux données que l’évolution du rapport entre actifs et retraités appelle pour assurer la pérennité d’un système de retraite par répartition une réforme en profondeur.

 Il y a quelques mois encore, le projet de réforme semblait avoir le soutien de l’opinion. Le flou et l’incapacité des pouvoirs publics à rendre lisible et compréhensible leur projet dont ils ne semblaient pas eux-mêmes bien connaître les tenants et aboutissants ont fini par jeter un discrédit total sur ce projet.

Il faut, à ce stade, insister sur un point essentiel : ce n’est pas seulement, en l’espèce, la conséquence d’une mauvaise pédagogie mais plutôt d’une mauvaise approche faisant l’impasse sur des facteurs de nature psychologique, les pouvoirs publics ne mesurant pas vraiment le divorce existant entre les femmes et les hommes de notre pays, qu’ils soient actifs, retraités d’aujourd’hui ou retraités de demain, les uns et les autres n’ayant plus confiance dans la parole publique.

Comment expliquer un tel divorce, un tel fossé ?

En premier lieu parce que des discours successifs et profondément contradictoires ont alterné et que peu à peu le doute a été distillé dans l’esprit des citoyens.

Au départ, l’idée mise en avant est celle de la nécessité d’assurer la survie du système de retraite par répartition.

L’accent a été mis d’abord sur la nécessité de créer un système plus clair, plus juste et plus simple susceptible d’être pérenne, même s’il est évident que rien n’est jamais acquis définitivement et que tout peut être remis en cause au fil du temps qui passe.

Ainsi, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron propose un projet de réforme des régimes de retraite de nature systémique et non de nature paramétrique. Il est indiqué que cette réforme n’est pas de nature budgétaire. Il ne s’agit pas dans l’esprit de ses promoteurs de réaliser des économies.

Toutefois, lors d’un « grand débat », à Rodez, le 3 octobre 2019, le Président de la République déclarait notamment : « Il ne faut pas se mentir, il faudra cotiser plus.» Pour autant, le chef de l’Etat « conscient qu’il y a beaucoup de peurs sur la question des retraites » s’est efforcé de rassurer sur ses intentions et de lever les malentendus.

Il a, à cette occasion notamment, confirmé que les retraités actuels ne seront pas concernés par la réforme, accréditant ainsi la thèse que les non retraités devraient a contrario être inquiets, ce qui n’est pas, on en conviendra aisément, la meilleure façon de rassurer ceux qui s’inquiètent des conséquences d’une réforme insuffisamment « pensée ».

Le Chef de l’Etat assurait le même jour que « La transition va se faire sur quinze ans » à partir de la mise en place du nouveau système en 2025. Il garantissait également que l’âge légal de 62 ans ne sera pas modifié et que tous les droits acquis en 2025, seront garantis. Pourtant, quelques semaines plus tôt, le Président de la République interrogé au Journal télévisé du lundi 26 août sur France 2 sur la réforme des retraites déclarait : « Je préfère que l’on trouve un accord sur la durée des cotisations plutôt que sur l’âge »

De fait, deux thèses semblent faire débat dans les rangs de la majorité. Certains souhaitant mettre l’accent sur le nombre d’années de cotisations alors que d’autres entendent privilégier l’âge du départ. Quelques uns avançant aussi la notion d’âge pivot.

Puis, par la suite, à l’automne 2019 un rapport du COR met l’accent sur un problème d’ordre financier faisant état d’un risque de déficit annuel de l’ordre de 7,8 à 17 milliards d’euros à l’horizon 2025.

A la suite de la publication du rapport du COR, l’idée de retarder l’âge du départ en retraite s’est ensuite développée, certains faisant valoir que le nouveau système préconisé de retraite par points ne pouvait entrer en vigueur en l’absence d’une situation assainie.

A la réforme systémique venait se superposer l’idée d’une réforme paramétrique ajoutant ainsi un peu plus de confusion dans un débat qui semble être loin d’être tranché opposant notamment les partisans d’une réforme de nature systémique aux partisans d’une réforme de nature paramétrique.

En deuxième lieu, nombre de nos concitoyens ont peu à peu pris conscience qu’au-delà de formules positives du type « retraite plus simple plus juste pour tous », qu’au-delà des mots, il y aura d’autres inégalités et de nombreux perdants pour peu de gagnants. Le simple fait qu’aujourd’hui la retraite soit calculée sur les six derniers mois de la carrière dans la fonction publique et sur les vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé, alors que demain elle sera calculée sur l’ensemble de la carrière, a fait apparaître l’existence future de nouvelles injustices en l’absence de corrections importantes et de réajustements dans les carrières de nombreuses catégories professionnelles.

 

En troisième lieu, les chiffres communiqués par les différents protagonistes divergent et se contredisent souvent de façon tout à fait importante.

D’où de nombreuses interrogations quant à l’essence même du système proposé. Dans le même sens, désormais, le débat autour de la date d’entrée en vigueur du nouveau système et la détermination de la génération concernée oppose les partisans de la génération des personnes nées à partir de 1963, voire de celles nées à compter de 1973-1975 à ceux qui préconisent d’appliquer la « clause du grand-père ».

Devant autant d’approximations, de malentendus, d’incertitudes, la logique voudrait que l’on remette tout à plat et que des rapports établis contradictoirement soient établis de manière crédible et qu’une étude d’impact de la réforme particulièrement développée soit également établie afin que le choix définitif repose sur des données incontestables.                                                         

On entend tout et son contraire. Des simulations succèdent à d’autres. Des rumeurs, des informations contraires, des éléments de langage successifs ainsi que des prises de position fluctuantes contribuent à créer un climat d’incertitude, d’insécurité, voire d’angoisse.

 Plus les semaines passent, plus la réforme projetée apparaît d’une telle complexité que l’on peut légitimement s’interroger sur la nécessité et plus encore sur l’urgence de la réaliser alors même qu’il y a lieu de s’assurer du soutien du plus grand nombre, s’agissant d’un droit fondamental pour tout citoyen d’avoir la possibilité de préserver sa dignité d’être humain et d’être suffisamment informé et éclairé quant aux conséquences pour lui de toute réforme susceptible d’altérer sérieusement ses conditions d’existence.

 Sans doute, conviendrait-il de remettre sur l’établi un projet qui objectivement n’est pas suffisamment abouti et qui, à supposer qu’il soit assorti de garanties sérieuses et donc crédibles, pourrait être ultérieurement proposé aux citoyens de notre pays.

 Pour autant, pour que la confiance puisse être retrouvée, il faut prendre en considération les deux éléments suivants :

Quid, en premier lieu, de la garantie offerte en matière de maintien (à défaut de progression) du point d’indice ? L’interrogation est justifiée quand on sait que le point d’indice de la fonction publique n’a pas augmenté depuis dix ans à une exception près. L’inquiétude est également justifiée au regard du « modèle suédois » qui n’a nullement empêché une diminution du point d’indice des retraites en fonction de la situation économique du pays.

Les retraités actuels qui sont souvent présentés comme des nantis n’ont-ils pas déjà vu leur pouvoir d’achat largement amputé au cours des dernières années par la non revalorisation de leur retraite et par la hausse de 1,7% du taux de prélèvement de la CSG alors même que l’inflation rognait dans le même temps ce pouvoir d’achat.

Quid, en deuxième lieu, quand de « pseudo savantes études » s’appuyant sur de « vagues moyennes bien peu scientifiques » car on peut faire dire beaucoup de choses contradictoires à de telles moyennes, tentent d’accréditer la thèse selon laquelle les retraités ont globalement un niveau de vie supérieur aux actifs ?

On a fini par opposer les uns aux autres et par créer un climat malsain, le contraire de celui qu’il convenait d’établir.

La méthode retenue est incompréhensible et traduit hélas une forme d’amateurisme inquiétant donnant le sentiment d’une sorte d’impréparation rendant impossible une bonne gouvernance.

 

Gérard-David Desrameaux

28/02/2019

De la révision de notre Constitution

Editorial

Depuis des années, pour ne pas dire quelques décennies, je défends l’idée d’une évolution de notre système institutionnel, qui se caractérise aujourd’hui par un présidentialisme accentué, vers un véritable régime présidentiel.

En effet, seul un tel régime me paraît être susceptible d’assurer un réel équilibre des pouvoirs tout en assurant la stabilité politique nécessaire à la pérennité de notre Etat de droit, à la différence des solutions préconisées par ceux qui prônent aujourd’hui sur fond de démagogie et de «dégagisme», l’instauration d’un pouvoir faible, se caractérisant par un régime d’assemblée, accordant une large place à une forme de démocratie directe avec pouvoir de révocation des élus et des gouvernants.

Or, il faut avoir conscience qu’un tel régime est irréaliste dans les faits dans le cadre de grandes démocraties à l’instar de la nôtre et ne saurait être tout simplement adapté à notre pays.

Je regrette, à cet égard, l’aveuglement de nombre de femmes et hommes politiques mus sans doute par un attachement de nature idéologique à un système politique qui, certes, a permis dans un premier temps de rompre avec la funeste instabilité de feu la IVe République, mais qui, avec le temps, a montré ses limites et engendré de fait une nouvelle forme d’instabilité, le débat se faisant trop souvent plus dans la rue que dans le cadre de nos hémicycles.

Je regrette plus encore l’aveuglement de nombre de politologues, politistes, analystes et observateurs de la vie politique qui n’ont pas vu se profiler la crise sociale, politique et institutionnelle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés et ont prôné le statu quo alors que quelques aménagements et adaptations de notre Constitution, à l’instar de celles que je préconisais dans mes deux derniers ouvrages : Refondons nos institutions, d’une monarchie républicaine à une démocratie républicaine et De l’alternance au partage du pouvoir, faut-il en finir avec nos modes de scrutin ? auraient sans doute permis de ne pas creuser un véritable fossé entre une partie du peuple et ses représentants.

L’hyper concentration des pouvoirs entre les mains d’un président de la République élu au suffrage universel direct et le maintien d’un parlementarisme rationalisé à l’excès débouchent sur un déséquilibre indiscutable des pouvoirs, le pouvoir législatif étant victime d’un système représentatif inadapté, dès lors qu’il ne permet pas une juste et authentique représentation des courants de pensée qui irriguent le pays.

Au cours des jours et des mois qui viennent, je reviendrai régulièrement sur les propositions de réformes constitutionnelles que je préconise. Ces propositions constituant autant de contributions au grand débat qui se développe aujourd’hui au sein du pays.

 

Gérard-David Desrameaux

02/09/2018

Le prélèvement à la source : une réforme pour le moins contestable

Editorial

Des incertitudes demeurent quant à la mise en œuvre de cette réforme inutile et dangereuse à plusieurs égards.

Les dernières déclarations du Chef de l’Etat et celles de plusieurs ministres tout récemment accréditent la thèse selon laquelle cette réforme est pour le moins contestable.

Ainsi, à Bercy, à quelques mois de l’introduction du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en janvier 2019, les services procèdent toujours à un certain nombre d’ajustements et de corrections alors même que le prélèvement a déjà été retardé d’un an, ce qui tend à prouver que tout n’est pas encore parfaitement au point.

Le gouvernement s’efforce néanmoins de rassurer les contribuables et les employeurs qui semblent pour nombre d’entre eux faire preuve d’une certaine inquiétude.

Selon Bercy, 40.000 agents du fisc ont reçu une formation afin d’aider les contribuables à « affronter » les nouveaux mécanismes de prélèvement de l’impôt.

Pour autant, il ressort d’un certain nombre de faits que le gouvernement n’avait pas tout à fait anticipé certaines conséquences de cette réforme.

Ainsi, en est-il notamment du cas des employés de particuliers employeurs du fait du retard pris dans la mise en œuvre de la plate-forme informatique dédiée aux déclarations de salariés.

Dans le même sens, afin de répondre aux inquiétudes exprimées par les chefs de petites entreprises de moins de vingt salariés, un mécanisme a été mis au point leur permettant de se décharger de la collecte de l’impôt en déléguant leur pouvoir en la matière à l’URSSAF.

Toujours dans le même sens, beaucoup de chefs d’entreprises dont on dit qu’il convient de réduire les frais, semblent s’inquiéter quant au coût qu’engendrera ce nouveau dispositif. N’y a-il pas là un paradoxe à vouloir faire des économies pour les services de Bercy en réduisant à terme le nombre de fonctionnaires de cette administration tout en grevant dans le même temps la comptabilité des entrepreneurs ?

Autre hypothèse : reporter le paiement de l’impôt pour cette catégorie en 2020, mais alors il faudrait faire face à un paiement double en 2020 (paiement de l’impôt au titre de 2020 et de 2019).

En terme de simplification et de contemporanéité du paiement de l’impôt, on peut difficilement faire mieux ! Pourquoi complexifier, en l’espèce, alors qu’une mensualisation rendue obligatoire aurait permis d’obtenir des améliorations sensibles et acceptables par les 46% de contribuables redevables de l’impôt sur le revenu dont on dit que 70% d’entre eux sont déjà mensualisés !!

M. Gérald Darmanin a laissé entendre il y a plusieurs semaines que l’on pourrait procéder à une exonération pure et simple de l’impôt pour les employés de particuliers employeurs en 2019.

Quid, alors, du principe d’égalité ?

On peut être sceptique quand on vante les mérites du prélèvement à la source

Il semble tout d’abord que l’aspect psychologique d’une telle réforme a été totalement occulté et que la baisse sensible du salaire net des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu pourrait avoir des conséquences négatives sur la consommation des Français et altérer leur moral et ce, dans un contexte de retour d’une certaine forme d’inflation (2,3% sur un an en juillet 2018), d’augmentation du taux de la CSG (notamment pour les retraités dont cette hausse ne sera pas compensée par une baisse des cotisations sociales).

Si l’on ajoute que cette réforme intervient alors que le point d’indice des fonctionnaires n’a été que modestement relevé en 2016 alors qu’il est bloqué depuis 2010 et que les retraités enregistrent une perte importante de pouvoir d’achat, il y a là des éléments qui ne peuvent que faire naître un sentiment d’insécurité et disons-le d’injustice à l’égard d’une partie de la classe moyenne et notamment supérieure qui ne bénéficiant pour sa part d’aucune aide prend peu à peu conscience que les efforts sont essentiellement demandés à cette classe sociale.

A terme, si l’on n’y prend garde, face à un petit nombre (évalué à 1% des Français les plus riches), on trouvera une masse de Français déclassés et paupérisés, du fait d’un nivellement par le bas.

La mise en œuvre de la retenue à la source (RAS) s’avère bien plus complexe que ce qui avait été annoncé dans un premier temps et ce, même si cette procédure est appliquée dans la quasi-totalité des pays occidentaux.

Les formalités administratives ne sont pas pour autant supprimées.

Ainsi, les contribuables continueront de déclarer chaque année, au printemps, leurs revenus à l’administration. Cette déclaration permettant « d’actualiser » le taux de prélèvement, mais aussi d’intégrer les crédits d’impôt et revenus exceptionnels, pour que le fisc puisse rembourser les « trop perçus » ou réclamer les impôts manquants.

Certains des avocats de cette méthode s’étonnent des inquiétudes de nombre de contribuables français en mettant en avant le fait que cela se passe bien dans la plupart des pays industriels. C’est faire abstraction de la spécificité du système fiscal français, de la dimension familiale de l’imposition, du nombre important de niches fiscales et, osons le dire, de la complexité de ce système.

Cette procédure porte atteinte à la confidentialité.

Ainsi, les employeurs pourront connaître toutes les autres sources de revenus, notamment les revenus fonciers et ceux des conjoints, de leurs salariés, d’où le caractère inquisitorial à certains égards de cette procédure.

Quid du taux neutre, présenté comme un moyen efficace de contrer cette atteinte à la vie privée des salariés ? Quid de sa signification ? Dans une telle hypothèse, si le taux neutre choisi est inférieur au taux réel, il conviendra de payer ultérieurement le solde au fisc. Y a-t-il là encore simplification ou complexification ?

Quid du quotient familial ? Quel taux convient-il d’appliquer aux deux membres du couple ? Des taux individualisés sont possibles en cas de disparités de revenus, mais ne risque t-on pas dans certains cas d’introduire la zizanie au sein du couple ?

Le prélèvement à la source n’empêche pas de continuer à bénéficier de réductions ou de crédits d’impôts.

Quid de l’année blanche ?

Cette année, souvent présentée comme une année d’optimisation pour la période de transition aura bien, eu égard à ce que nous apprenons régulièrement, des effets d’aubaine pour certains contribuables

Des exemptions étant à l’évidence possibles, il existe bien des risques de rupture quant à l’égalité des contribuables comme il a été dit plus haut, donc de l’égalité des citoyens au regard de l’impôt.

Il n’a pas été tenu compte de la dimension psychologique d’une telle réforme. C’est donc une réforme dangereuse politiquement, dont on ne perçoit pas la valeur ajoutée par rapport au système actuellement en vigueur qui a le mérite d’être efficace.

N’oublions pas que seuls 45,2% des Français ont payé l’impôt sur le revenu en 2017. Un tel chiffre est de nature à relativiser l’affirmation selon laquelle les Français seraient favorables à cette méthode de prélèvement. Dans le même sens, sachant que sur les 45 ou 46% des Français assujettis à l’impôt sur le revenu, environ 70% des contribuables sont mensualisés, on est conduit à considérer que cette réforme ne concerne, tout compte fait qu’un petit nombre de nos compatriotes.

Ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu, ne verront pas les conséquences de ce prélèvement, puisque par définition, ils ne seront pas concernés.

Dès lors, il est permis de s’interroger sur le bien-fondé de la mise en place de ce que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’usine à gaz.

On a envie de dire pourquoi tout cela pour un résultat dont on n’est même pas certain de l’efficacité, alors qu’une généralisation de la mensualisation permettait d’éviter bien des difficultés.

Une étude d’impact sérieuse aurait pu dresser le bilan des avantages au regard des inconvénients.

L’introduction du prélèvement à la source de l’impôt sur revenu, qui doit entrer (en principe) en vigueur le 1er janvier 2019 est politiquement risquée. Il est à cet égard pour le moins étrange que les pouvoirs publics ne semblent le découvrir que maintenant, c’est-à-dire aussi tardivement. Gouverner, n’est-ce pas anticiper les problèmes ? N’est-ce pas prévoir et appréhender toutes les hypothèses et solutions en dehors de toute contingence partisane ?

Cependant, nous l’affirmons, mieux vaut tard que jamais. Certains disent que revenir désormais sur cette mesure s’apparenterait à un recul. Il me semble davantage que cela s’apparenterait, en l’espèce, à une attitude responsable.

Pour des raisons éthiques, civiques, politiques, voire philosophiques et accessoirement techniques, il y a lieu pour le moins de repenser sérieusement le problème du prélèvement à la source dans le sens d’une non infantilisation du citoyen et d’une plus grande responsabilisation.

En effet, le contribuable est avant tout un citoyen dont le paiement de l’impôt est un acte majeur de sa vie civique dont il doit s’acquitter en tant que membre d’une communauté de destin. Or, de plus en plus, on a tendance à constater une volonté politique délibérée des pouvoirs publics à travers nombre de démocraties, à couper le lien entre les notions de citoyenneté et de contribuable. C’est une grave erreur.

De fait, le prélèvement à la source, tend, selon ses plus ardents défenseurs, à rendre l’impôt plus indolore et à faciliter, paraît-il, la tâche du contribuable, conduisant ainsi, si l’on n’y prend garde, à une sorte d’infantilisation du citoyen contribuable grâce à l’effet anesthésiant de ce type de prélèvement.

Pour autant, les pouvoirs publics ont-ils anticipé les réactions que pourraient avoir à l’avenir les contribuables face à une hausse toujours possible de l’impôt sur le revenu, donc sur le prélèvement obligatoire (à moins qu’ils s’interdisent pour toujours, pour eux et pour leurs successeurs de réévaluer à la hausse le taux d’imposition) ? En effet, dans cette hypothèse, que l’on ne saurait a priori exclure, le prélèvement à la source se manifesterait par une diminution du revenu net figurant sur la feuille de paye. L’impact psychologique serait sans doute plus grand qu’aujourd’hui face à une augmentation de l’imposition.

Sur un plan politique, la retenue à la source conduit à un désengagement de l’Etat, ce dernier étant dessaisi de l’exercice d’une mission éminemment régalienne, celle de la collecte de l’impôt. Il paraît, de ce seul point de vue aberrant de confier le soin à des entrepreneurs, à des chefs d’entreprises, le soin de collecter l’impôt alors qu’il conviendrait pour l’Etat qui entend libérer les entreprises de certaines contraintes et sujétions, comme il a été dit précédemment, de ne pas abandonner l’une de ses prérogatives majeures.

Pour toutes ces raisons, il convient de ne pas donner suite au projet de retenue à la source qui ne correspond pas à la situation fiscale de notre pays.

Gérard-David Desrameaux *

 

 * Pour un approfondissement de la question de la retenue à la source, voir notamment à cet égard, Alexandre Desrameaux, « La retenue à la source de l’impôt sur le revenu en France : retour vers le futur ». Revue européenne et internationale de droit fiscal, Bruylant, 2015, n° 3, pp. 449-458.