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19/12/2019

Savoir faire preuve de discernement

Editorial

 

La réforme du régime des retraites instituant un système par points est infiniment complexe et ne peut se substituer au système actuel que s’il est clairement expliqué aux citoyens de notre pays. Or, tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Une réforme de l’ampleur du texte litigieux ne peut se faire sans recueillir l’adhésion du plus grand nombre. Or, une telle adhésion ne peut être obtenue quand les conséquences d’un tel projet ne sont pas clairement exposées et quand demeurent autant d’inconnues.

 La réforme n’est manifestement pas prête. Il existe encore trop d’imprécisions et d’approximations. Le texte n’est pas encore définitivement écrit. Il demeure de nombreux blocages entre le gouvernement et les syndicats.

Il n’y a aucune raison de poursuivre une réforme au pas de charge alors qu’il n’y a pas précisément d’urgence et que si un déficit est annoncé, il ne l’est qu’à l’horizon de 2025.

Eu égard au climat social, face à une sorte de dialogue impossible, il semble évident qu’est venu le temps d’un nécessaire apaisement.

Tout pouvoir quel qu’il soit se grandit à faire preuve de discernement. Or, en l’espèce, faire preuve de discernement, c’est s’accorder un temps de réflexion supplémentaire, c’est savoir faire preuve de retenue et accepter de remettre sur l’établi un ouvrage inachevé, un texte insuffisamment abouti qui engage l’avenir de beaucoup de nos compatriotes et pour longtemps.

Il y a des ajournements qui ne sont pas des reculs ou des abandons. Tel serait le cas en l’espèce.

Certes, les Français ont voté pour un candidat ayant inscrit dans son programme électoral en 2017 l’instauration d’un régime de retraite par points, mais les tenants et aboutissants n’étaient connus de personne ou de si peu.

Il faut dès lors clarifier les choses, disposer de simulations sérieuses et pas seulement de quelques cas types qui nécessairement ne peuvent pas donner des réponses précises aux uns et aux autres tant les situations personnelles peuvent être diversifiées. Bien des problèmes doivent être maîtrisés en amont.

Il serait donc sage, non pas d’annuler un projet qui peut présenter pour l’avenir des avantages, sous réserve que les règles du jeu soient clarifiées et que les zones d’ombre disparaissent, mais de l'améliorer.

Enfin, pour que le projet puisse à l’avenir recueillir l’approbation du plus grand nombre, il serait souhaitable d’éviter la construction d’une usine à gaz tendant à créer des situations encore plus opaques et plus complexes que celles d’aujourd’hui.

Pour parvenir demain à un consensus indispensable quelques règles essentielles devraient être respectées.

En premier lieu, dans un système de régime par points, il n’y a pas lieu de fixer un âge pivot. Le nombre d’annuités paraît être le critère le plus adapté permettant de fait à ceux qui débutent tôt de partir en retraite plus rapidement que ceux qui commencent leur vie active plus tard.

En deuxième lieu, une idée de base devrait être retenue : une réforme systémique de cette nature devrait ne s’appliquer que pour l’avenir, c’est-à-dire pour les entrants dans la vie active. Contrairement aux allégations de certains, l’application qualifiée à tort de « clause grand-père » paraît plus juste, plus acceptable et surtout plus facile à mettre en œuvre car il n’y a pas lieu dans cette hypothèse de procéder à de multiples ajustements et adaptations et l’on ne soumet pas à des règles différentes les personnes visées en fonction de leur âge ou de leur entrée dans la vie active. Il n’y a pas lieu, toujours dans cette hypothèse, de se livrer à des reconstitutions de carrière plus ou moins complexes, voire aléatoires.

En revanche, en troisième lieu, l’application de cette clause ne saurait être réservée qu’aux seuls régimes spéciaux car dans cette hypothèse, l’argument, que l’on peut entendre, mis en avant par les pouvoirs publics selon lequel il faut mettre un terme aux régimes spéciaux serait contredit dans les faits et dès lors incompris par ceux qui appartenant aux systèmes généraux tant du secteur public que du secteur privé verraient quant à eux leur situation « contractuelle » remise en cause. Ceux-là seraient en droit de s’indigner d’être soumis à un traitement différent au regard de l’application dans le temps.

Ce n’est donc pas d’une trêve dont les Français ont besoin mais bien d’un délai plus long afin de parfaire un système nouveau appelé à durer dans le temps. Ce système ne peut être institué dans l’équivoque et sans l’assentiment du plus grand nombre. Les pouvoirs publics seraient avisés d’en prendre pleinement conscience.

En d’autres temps, pas si anciens, au demeurant, des chefs d’Etat ont pu parfois donner l’impression de reculer sans pour autant perdre la face. François Mitterrand insistait beaucoup, pour sa part, sur la nécessité de « donner du temps au temps ». Il a même su, en 1984, retirer un projet important consacré à l’école, sans pour autant que cela lui soit reproché.

En l’espèce, il ne s’agit pas d’annuler la réforme préconisée mais juste de prendre le temps de la parfaire, de l’améliorer et surtout de la rendre compréhensible par tous.

Un calendrier, cela se modifie quand il y va de l’intérêt général et donc de l’intérêt de l’Etat.

Il n’y aurait qu’un vainqueur : le sens de l’Etat.

Gérard-David Desrameaux

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