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23/06/2022

DE L'ALTERNANCE AU PARTAGE DU POUVOIR

Editorial *

 

Partager le pouvoir, ce n’est pas organiser la confusion du pouvoir et moins encore la paralysie du pouvoir, c’est rechercher un équilibre des pouvoirs afin que les intérêts de la cité comme ceux de l’Etat soient défendus et débattus dans la clarté et une totale transparence.

Au-delà des textes, au-delà des intentions, des réformes promises, voire engagées, il faut en appeler à une éthique de la responsabilité, à un changement des esprits et des comportements.

La politique a besoin de cohérence et de lisibilité. Sans clarté et sans objectifs nettement définis et respectés dans la mise en œuvre, c’est toute la confiance d’un peuple qui est mise à mal.

Un changement radical dans la façon de faire de la politique correspond à une ardente obligation. Rien ne sera possible sans une dimension éthique et une volonté d’apaiser les relations entre les femmes et hommes de notre pays.

Encore une fois, il faut passer de la déliquescence à la quintessence du discours politique et être capable de tracer une voie, fixer un cap, proposer de grands desseins et penser des projets politiques en sachant mettre sous le boisseau les petites rivalités partisanes et les petites ambitions personnelles. Le renouveau de la politique passe peut-être et plus sûrement par ce chemin que par des alternances radicales.

Unis dans la diversité, la devise européenne, devrait inspirer la classe politique française.

Refonder nos institutions est une nécessité pour éviter de dériver vers je ne sais quelle rive incertaine et d’aller vers je ne sais quel type de régime autoritaire ou populiste.

Le partage du pouvoir, au-delà des mots, au-delà de la formule, est une exigence démocratique. Enfin, il doit être bien clair, mais est-il utile de le préciser, que le partage du pouvoir s’entend non pas du partage des avantages du pouvoir mais du partage des prises de décision, donc de l’exercice du pouvoir.

Au demeurant, en appeler à un partage du pouvoir et combattre les clans opposés systématiquement les uns aux autres ne signifie nullement vouloir la fin des clivages. Il ne s’agit pas d’aller vers une force hégémonique, fut-elle centrale, qui serait de nature à réduire les débats en sons sein et à opposer une vision uniforme de la société.

Réduire les antagonismes, ce n’est pas nier les sensibilités et les différences, c’est au contraire leur permettre de se développer en dehors de tout sectarisme et dogmatisme et c’est aussi éviter le mortel moule de la pensée unique. C’est aussi et surtout mettre un terme à des divisions artificielles qui ternissent l’image de la politique et à travers elle celle de la démocratie.

Gérard-David Desrameaux

* Conclusion de l'essai De l'alternance au partage du pouvoir, Gérard-David Desrameaux, éditions Bréal, 2017

19/12/2019

Savoir faire preuve de discernement

Editorial

 

La réforme du régime des retraites instituant un système par points est infiniment complexe et ne peut se substituer au système actuel que s’il est clairement expliqué aux citoyens de notre pays. Or, tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Une réforme de l’ampleur du texte litigieux ne peut se faire sans recueillir l’adhésion du plus grand nombre. Or, une telle adhésion ne peut être obtenue quand les conséquences d’un tel projet ne sont pas clairement exposées et quand demeurent autant d’inconnues.

 La réforme n’est manifestement pas prête. Il existe encore trop d’imprécisions et d’approximations. Le texte n’est pas encore définitivement écrit. Il demeure de nombreux blocages entre le gouvernement et les syndicats.

Il n’y a aucune raison de poursuivre une réforme au pas de charge alors qu’il n’y a pas précisément d’urgence et que si un déficit est annoncé, il ne l’est qu’à l’horizon de 2025.

Eu égard au climat social, face à une sorte de dialogue impossible, il semble évident qu’est venu le temps d’un nécessaire apaisement.

Tout pouvoir quel qu’il soit se grandit à faire preuve de discernement. Or, en l’espèce, faire preuve de discernement, c’est s’accorder un temps de réflexion supplémentaire, c’est savoir faire preuve de retenue et accepter de remettre sur l’établi un ouvrage inachevé, un texte insuffisamment abouti qui engage l’avenir de beaucoup de nos compatriotes et pour longtemps.

Il y a des ajournements qui ne sont pas des reculs ou des abandons. Tel serait le cas en l’espèce.

Certes, les Français ont voté pour un candidat ayant inscrit dans son programme électoral en 2017 l’instauration d’un régime de retraite par points, mais les tenants et aboutissants n’étaient connus de personne ou de si peu.

Il faut dès lors clarifier les choses, disposer de simulations sérieuses et pas seulement de quelques cas types qui nécessairement ne peuvent pas donner des réponses précises aux uns et aux autres tant les situations personnelles peuvent être diversifiées. Bien des problèmes doivent être maîtrisés en amont.

Il serait donc sage, non pas d’annuler un projet qui peut présenter pour l’avenir des avantages, sous réserve que les règles du jeu soient clarifiées et que les zones d’ombre disparaissent, mais de l'améliorer.

Enfin, pour que le projet puisse à l’avenir recueillir l’approbation du plus grand nombre, il serait souhaitable d’éviter la construction d’une usine à gaz tendant à créer des situations encore plus opaques et plus complexes que celles d’aujourd’hui.

Pour parvenir demain à un consensus indispensable quelques règles essentielles devraient être respectées.

En premier lieu, dans un système de régime par points, il n’y a pas lieu de fixer un âge pivot. Le nombre d’annuités paraît être le critère le plus adapté permettant de fait à ceux qui débutent tôt de partir en retraite plus rapidement que ceux qui commencent leur vie active plus tard.

En deuxième lieu, une idée de base devrait être retenue : une réforme systémique de cette nature devrait ne s’appliquer que pour l’avenir, c’est-à-dire pour les entrants dans la vie active. Contrairement aux allégations de certains, l’application qualifiée à tort de « clause grand-père » paraît plus juste, plus acceptable et surtout plus facile à mettre en œuvre car il n’y a pas lieu dans cette hypothèse de procéder à de multiples ajustements et adaptations et l’on ne soumet pas à des règles différentes les personnes visées en fonction de leur âge ou de leur entrée dans la vie active. Il n’y a pas lieu, toujours dans cette hypothèse, de se livrer à des reconstitutions de carrière plus ou moins complexes, voire aléatoires.

En revanche, en troisième lieu, l’application de cette clause ne saurait être réservée qu’aux seuls régimes spéciaux car dans cette hypothèse, l’argument, que l’on peut entendre, mis en avant par les pouvoirs publics selon lequel il faut mettre un terme aux régimes spéciaux serait contredit dans les faits et dès lors incompris par ceux qui appartenant aux systèmes généraux tant du secteur public que du secteur privé verraient quant à eux leur situation « contractuelle » remise en cause. Ceux-là seraient en droit de s’indigner d’être soumis à un traitement différent au regard de l’application dans le temps.

Ce n’est donc pas d’une trêve dont les Français ont besoin mais bien d’un délai plus long afin de parfaire un système nouveau appelé à durer dans le temps. Ce système ne peut être institué dans l’équivoque et sans l’assentiment du plus grand nombre. Les pouvoirs publics seraient avisés d’en prendre pleinement conscience.

En d’autres temps, pas si anciens, au demeurant, des chefs d’Etat ont pu parfois donner l’impression de reculer sans pour autant perdre la face. François Mitterrand insistait beaucoup, pour sa part, sur la nécessité de « donner du temps au temps ». Il a même su, en 1984, retirer un projet important consacré à l’école, sans pour autant que cela lui soit reproché.

En l’espèce, il ne s’agit pas d’annuler la réforme préconisée mais juste de prendre le temps de la parfaire, de l’améliorer et surtout de la rendre compréhensible par tous.

Un calendrier, cela se modifie quand il y va de l’intérêt général et donc de l’intérêt de l’Etat.

Il n’y aurait qu’un vainqueur : le sens de l’Etat.

Gérard-David Desrameaux

28/02/2019

De la révision de notre Constitution

Editorial

Depuis des années, pour ne pas dire quelques décennies, je défends l’idée d’une évolution de notre système institutionnel, qui se caractérise aujourd’hui par un présidentialisme accentué, vers un véritable régime présidentiel.

En effet, seul un tel régime me paraît être susceptible d’assurer un réel équilibre des pouvoirs tout en assurant la stabilité politique nécessaire à la pérennité de notre Etat de droit, à la différence des solutions préconisées par ceux qui prônent aujourd’hui sur fond de démagogie et de «dégagisme», l’instauration d’un pouvoir faible, se caractérisant par un régime d’assemblée, accordant une large place à une forme de démocratie directe avec pouvoir de révocation des élus et des gouvernants.

Or, il faut avoir conscience qu’un tel régime est irréaliste dans les faits dans le cadre de grandes démocraties à l’instar de la nôtre et ne saurait être tout simplement adapté à notre pays.

Je regrette, à cet égard, l’aveuglement de nombre de femmes et hommes politiques mus sans doute par un attachement de nature idéologique à un système politique qui, certes, a permis dans un premier temps de rompre avec la funeste instabilité de feu la IVe République, mais qui, avec le temps, a montré ses limites et engendré de fait une nouvelle forme d’instabilité, le débat se faisant trop souvent plus dans la rue que dans le cadre de nos hémicycles.

Je regrette plus encore l’aveuglement de nombre de politologues, politistes, analystes et observateurs de la vie politique qui n’ont pas vu se profiler la crise sociale, politique et institutionnelle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés et ont prôné le statu quo alors que quelques aménagements et adaptations de notre Constitution, à l’instar de celles que je préconisais dans mes deux derniers ouvrages : Refondons nos institutions, d’une monarchie républicaine à une démocratie républicaine et De l’alternance au partage du pouvoir, faut-il en finir avec nos modes de scrutin ? auraient sans doute permis de ne pas creuser un véritable fossé entre une partie du peuple et ses représentants.

L’hyper concentration des pouvoirs entre les mains d’un président de la République élu au suffrage universel direct et le maintien d’un parlementarisme rationalisé à l’excès débouchent sur un déséquilibre indiscutable des pouvoirs, le pouvoir législatif étant victime d’un système représentatif inadapté, dès lors qu’il ne permet pas une juste et authentique représentation des courants de pensée qui irriguent le pays.

Au cours des jours et des mois qui viennent, je reviendrai régulièrement sur les propositions de réformes constitutionnelles que je préconise. Ces propositions constituant autant de contributions au grand débat qui se développe aujourd’hui au sein du pays.

 

Gérard-David Desrameaux