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25/06/2024

De la dénonciation de l'article 49-3 à l'exigence d'une majorité absolue pour exercer le pouvoir

Editorial

 

Je vois une contradiction flagrante chez ceux qui après avoir dénoncé avec force et souvent excès le recours à l’article 49-3 de la Constitution en appellent, à la veille d’une échéance électorale fondamentale pour l’avenir du pays, à l’obtention d’une majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale au motif que sans une telle majorité il leur serait impossible d’exercer la plénitude du pouvoir et de mettre en œuvre leur programme.

 

Une fois de plus, je vois dans de telles contradictions une forme d’incohérence qui relève plus de l’agitation politique, voire politicienne, que du sens de l’Etat et du souci de l’intérêt général.

 

Certes tous les candidats à la présidence de la République depuis le début de la Ve République sollicitent du corps électoral qu’il leur accorde une majorité afin qu’ils puissent appliquer leur programme.

 

On peut évidemment comprendre ce souhait. Il est légitime. Pour autant, il y a une différence majeure entre un tel souhait et l’exigence de disposer d’une majorité absolue pour être en mesure de gouverner.

 

Prétendre que l’on ne peut gouverner en l’absence d’une telle majorité signifie que l’on refuse le dialogue et le pluralisme.

 

Nous savons tous que les recherches permanentes d’hypothétiques majorités absolues ne peuvent que déboucher sur des « majorités omnipotentes » donnant naissance à des « chambres d’enregistrement ».

 

Au cours des dernières décennies, un parlementarisme rationalisé souvent à l’excès et un mode de scrutin majoritaire à deux tours a favorisé le développement d’une bipolarisation souvent artificielle et des alternances radicales.

 

Aussi, depuis des années nous avons la certitude qu’à ces alternances radicales, voire brutales, il y avait lieu de substituer un partage du pouvoir.

 

Pour y parvenir, il y a lieu notamment de modifier notre système électoral en instaurant la représentation proportionnelle et de donner le jour à des majorités à géométrie variable et à des majorités d’idées en favorisant la recherche de légitimes consensus et compromis.

 

Le Parlement, lieu de dialogue, doit demeurer un creuset de la démocratie. Le pouvoir doit être partagé dans un Etat de droit.

 

Il ne peut être accaparé par une personne seule ou par un parti hégémonique.

 

 

 

Gérard-David Desrameaux

 

23/06/2022

DE L'ALTERNANCE AU PARTAGE DU POUVOIR

Editorial *

 

Partager le pouvoir, ce n’est pas organiser la confusion du pouvoir et moins encore la paralysie du pouvoir, c’est rechercher un équilibre des pouvoirs afin que les intérêts de la cité comme ceux de l’Etat soient défendus et débattus dans la clarté et une totale transparence.

Au-delà des textes, au-delà des intentions, des réformes promises, voire engagées, il faut en appeler à une éthique de la responsabilité, à un changement des esprits et des comportements.

La politique a besoin de cohérence et de lisibilité. Sans clarté et sans objectifs nettement définis et respectés dans la mise en œuvre, c’est toute la confiance d’un peuple qui est mise à mal.

Un changement radical dans la façon de faire de la politique correspond à une ardente obligation. Rien ne sera possible sans une dimension éthique et une volonté d’apaiser les relations entre les femmes et hommes de notre pays.

Encore une fois, il faut passer de la déliquescence à la quintessence du discours politique et être capable de tracer une voie, fixer un cap, proposer de grands desseins et penser des projets politiques en sachant mettre sous le boisseau les petites rivalités partisanes et les petites ambitions personnelles. Le renouveau de la politique passe peut-être et plus sûrement par ce chemin que par des alternances radicales.

Unis dans la diversité, la devise européenne, devrait inspirer la classe politique française.

Refonder nos institutions est une nécessité pour éviter de dériver vers je ne sais quelle rive incertaine et d’aller vers je ne sais quel type de régime autoritaire ou populiste.

Le partage du pouvoir, au-delà des mots, au-delà de la formule, est une exigence démocratique. Enfin, il doit être bien clair, mais est-il utile de le préciser, que le partage du pouvoir s’entend non pas du partage des avantages du pouvoir mais du partage des prises de décision, donc de l’exercice du pouvoir.

Au demeurant, en appeler à un partage du pouvoir et combattre les clans opposés systématiquement les uns aux autres ne signifie nullement vouloir la fin des clivages. Il ne s’agit pas d’aller vers une force hégémonique, fut-elle centrale, qui serait de nature à réduire les débats en sons sein et à opposer une vision uniforme de la société.

Réduire les antagonismes, ce n’est pas nier les sensibilités et les différences, c’est au contraire leur permettre de se développer en dehors de tout sectarisme et dogmatisme et c’est aussi éviter le mortel moule de la pensée unique. C’est aussi et surtout mettre un terme à des divisions artificielles qui ternissent l’image de la politique et à travers elle celle de la démocratie.

Gérard-David Desrameaux

* Conclusion de l'essai De l'alternance au partage du pouvoir, Gérard-David Desrameaux, éditions Bréal, 2017

07/01/2012

2012, ANNEE ELECTORALE

Editorial

 2012 est une année électorale, certes ! Espérons qu’elle soit également celle du courage et d’une certaine sérénité !

Jamais plus qu’en ce début d’année, il n’est en effet apparu aussi souhaitable que la notion d’intérêt général préside à nos débats et à nos choix politiques.

Force est de constater, hélas, que globalement le début de la  campagne électorale ne se caractérise pas par ce souci premier.

Trop souvent l’anathème, l’invective et les petites phrases assassines semblent être les attitudes préférées de la plupart des femmes et des hommes politiques, si ce n’est de la plupart des candidats et candidates à l’élection présidentielle.

Le clan contre clan a été condamné, à juste titre d’ailleurs, par François Bayrou, et ce, depuis longtemps, puisqu’il défendait déjà ce thème lors de l’élection présidentielle de 2007.

Mais dans le même temps, force est de constater que nombre d’entre ceux qui dénoncent le clan contre clan ou, ce qui revient au même, le camp contre camp, et je suis d’accord avec cette idée, ne vont pas jusqu’au bout de l’analyse et se contentent de préconiser en définitive d’en finir avec l’alternance entre deux camps, l’un de droite, dominé par l’UMP et l’autre de gauche, dominé par le PS. Ce faisant, ils en appellent à une autre majorité, centrale celle-là, qui viendrait se substituer aux deux majorités alternatives que nous connaissons aujourd’hui en France entre la gauche et la droite.

Pour d’autres, situés à l’extrême droite, il faut en finir avec l’UMPS. Là, on dénonce purement et simplement, comme disent les partisans de cette thèse, les tenants du système et cela les conduit à rejeter dans un même opprobre tous ceux qui ont alternativement gouverné notre pays depuis le début de la Vème République. Cela s’apparente aux vieilles formules du « Tous pourris » ou du « Sortez les sortants ».

Il est évident qu’un tel positionnement va au-delà de la dénonciation du clan contre clan, car il conduit lui-même à privilégier un autre clan, un clan tenu à l’extérieur du « système » du fait, d’une part, d’une loi électorale qui ne favorise pas le pluralisme et, d’autre part, des positions souvent extrémistes défendues par les tenants de cette thèse.

D’autres encore, à l’extrême gauche ou du côté de certains écologistes que je qualifierai volontiers d’extrémistes, en appellent à un changement radical voire à une véritable révolution.

Ainsi, au delà des apparences et des formules, la plupart  des femmes et hommes politiques ne raisonnent pas de façon radicalement différente. Tous entendent en découdre, selon les cas, avec un camp, avec deux camps ou avec tous les camps autres que le leur, pensant détenir la vérité, leur vérité, celle qui résoudra tous les problèmes de notre pays.

A certains égards, cette aspiration pourrait presque passer pour légitime car en démocratie la loi de l’alternance est un principe de base qui s’exerce par la voie du suffrage universel. L’électeur exerçant son choix au terme d’un légitime débat et d’une juste et préalable confrontation des idées et des projets défendus par les candidats en présence.

Pour autant, si le débat se limite au dénigrement, à la caricature, voire à l’insulte de l’autre ou de tous les autres, un tel débat n’est pas de nature à éclairer le « citoyen électeur ».

Or, force est de constater que le discours politique est souvent trop tranché, excessif et accentue les différences alors que l’art de la nuance et la recherche de consensus forts sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce qui fait l’unité d’un peuple, devraient présider à nos débats et caractériser nos campagnes électorales.

Les institutions de la Vème  République  étant en outre ce qu’elles sont, et même si elles présentent de nombreux avantages, il n’est pas facile de dépasser les clivages, car tout est conçu, pensé et construit pour que se constituent de façon souvent artificielle deux coalitions fondamentalement opposées que l’on désignera sous les noms de majorité et d’opposition.

La recherche d’un pluralisme authentique devrait guider nos pas afin d’éviter les dérives auxquelles nous assistons et que nous venons de dénoncer. Une vraie démocratie appelle plus de pédagogie et le rejet de la démagogie.

 

Gérard-David Desrameaux

Directeur de la Lettre ECP