10/06/2018
Le Monde d'avant, le monde d'après !
Editorial
La formule ne me convient pas car elle ne me convainc pas.
Pour parler du monde d’avant et du monde d’après, il faudrait que les discours prononcés et les méthodes utilisées par les politiques aient fondamentalement changé.
Or, tel n’est pas le cas.
La majorité comme les oppositions ont toujours tendance à considérer que seules leurs positions sont sérieuses et efficaces. Les femmes et hommes politiques s’expriment. Ils ne s’écoutent pas et n’échangent pas vraiment. Ceux qui défendent la thèse X et ceux qui défendent les thèses Y ou Z, par exemple, sont trop souvent dans la dénégation et le rejet systématique des positions de leurs contradicteurs, assimilés à des adversaires, voire à des ennemis avec lesquels il faut en découdre.
Il n’y aura pas, à supposer même que cela soit possible, voire souhaitable dans l’absolu, de monde d’avant et de monde d’après, car cela tient à la nature même des choses, des hommes et disons-le du monde qui est en perpétuelle mutation, en perpétuelle évolution.
Ajoutons, plus prosaïquement et plus modestement, que nos institutions, en l’état actuel, en l’absence d’une évolution vers un véritable régime présidentiel, ne permettent pas de changer fondamentalement la donne.
Aujourd’hui, la politique du bloc contre bloc est toujours aussi condamnable. Le clan contre clan, le système manichéen qui préside notre vie politique depuis des décennies a changé en apparence. Il demeure dans les faits.
Pourquoi ? Avant deux mille dix-sept, notre pays s’était habitué à des alternances entre la gauche et la droite, pour faire simple.
Cette alternance devenue assez systématique au cours des dernières années était évidemment condamnée tant aux extrêmes de l’échiquier de la vie politique qu’au centre.
En 2017, une nouvelle alternance se produit. Mais, elle se produit au centre.
Le président de la République élu s’appuie sur le centre et les ailes modérées de la gauche comme de la droite, tout au moins au début, la situation ayant progressivement évolué au cours de la période la plus récente.
Pour autant, nous pouvons avoir l’impression tout à fait légitime et juste que les « choses » n’ont pas vraiment changé, en ce sens qu’il y a la majorité, celle qui exerce le pouvoir, qui a les leviers de commande et tous les autres, tous ceux qui sont dans l’opposition, il faudrait dire les oppositions, ceux-ci étant trop souvent présentés comme ayant nécessairement torts puisque minoritaires.
C’est une traduction, là encore, du bloc contre bloc que je dénonce depuis des années car il a tendance à radicaliser le débat public et à diviser finalement de façon artificielle la société française.
Notre pays est ainsi toujours victime de ce que je qualifie volontiers d’alternances radicales.
C’est la raison pour laquelle je préconise depuis des années un meilleur partage du pouvoir par la recherche de consensus, de compromis, autant que faire se peut.
Pour y parvenir, il faut procéder à une réforme en profondeur de nos institutions et j’y reviens à dessein une fois de plus car ceci suppose de substituer à notre système hybride, système présidentialiste, un système présidentiel authentique, adapté, cela va de soi, à notre vie politique, à notre histoire, à la spécificité française.
Un système présidentiel qui permettrait eu égard précisément à notre histoire de revaloriser le rôle du Parlement sans pour autant transformer notre régime en régime d’Assemblée, c’est-à-dire en un régime qui affaiblirait globalement nos institutions.
Gérard-David Desrameaux
23:58 Publié dans éditoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le monde d'avant, le monde d'après, gérard-david desrameaux, bloc contre bloc, réforme des institutions, revalorisation du parlement, régime présidentiel
30/04/2017
LA FONCTION PRESIDENTIELLE
A PROPOS DE : LA FONCTION PRESIDENTIELLE
Dans le chapitre VI, intitulé « Instaurer un régime présidentiel » de mon livre Refondons nos institutions, d’une monarchie républicaine à une démocratie républicaine, publié au mois de novembre 2016, je consacre un certain nombre de développements à la fonction présidentielle.
A quelques jours d’une échéance électorale majeure pour l’avenir de notre pays, je crois opportun d’en reproduire ici quelques extraits. Je procèderai de même dans les jours, semaines et mois à venir, s’agissant d’autres propositions concernant les pouvoirs publics, car il me paraît indispensable de réfléchir rapidement à un aménagement profond de nos institutions en vue d’un meilleur équilibre politique et institutionnel.
Revalorisation de la fonction présidentielle
Les pouvoirs du chef de l’Etat doivent demeurer pour l’essentiel ce qu’ils sont aujourd’hui. Il ne s’agit pas de les réduire et de faire du chef de l’Etat un président purement représentatif voué à commémorer, à inaugurer, y compris des chrysanthèmes.
L’un des acquis de la Ve République, à savoir le renforcement du rôle du chef de l’Etat et de sa place prééminente au sein de nos institutions doit être préservé car, une fois encore, démocratiser nos institutions ne saurait être synonyme d’affaiblissement de l’autorité de l’Etat et de paralysie du pouvoir politique quel qu’il soit.
A cet égard, les dirigeants, gouvernants et opposants d’hier, d’aujourd’hui et de demain seraient bien inspirés de ne pas s’en prendre outre mesure, souvent avec outrance, à l’élu de la nation car ce faisant ils portent atteinte à la fonction à laquelle ils entendent accéder un jour et scient la branche sur laquelle ils souhaitent se poser.
Passer de la monarchie républicaine à la démocratie républicaine impose en revanche, tout en revalorisant la fonction présidentielle en la débarrassant de tâches qui ne sont pas de son niveau ou de pratiques qui n’ont pas lieu d’exister et nuisent à son image, de construire un nouvel équilibre entre les pouvoirs publics et sur lesquels il conviendra de se pencher plus loin.
Revaloriser la fonction présidentielle, c’est vouloir mettre en avant aussi et surtout les prérogatives du chef de l’Etat, élu de la Nation dans son ensemble, en ayant soin d’établir une distinction entre les pouvoirs tels que définis par la Constitution et certaines pratiques, voire dérives, qui nuisent précisément à l’image du chef de l’Etat et donc à travers elle à celle de l’Etat
Le Président de la République ne peut et ne doit s’occuper de tout. Il n’a pas à intervenir en toutes choses et sur chaque sujet.
Le chef de l’Etat, devrait être chargé de l’essentiel et être en revanche déchargé de tâches subalternes. Tout ne doit pas, ou ne doit plus, en effet, remonter jusqu’au niveau de la plus haute autorité de l’Etat, celle-ci devant pouvoir se consacrer à l’essentiel et être la garante des choix fondamentaux exprimés par le peuple souverain à l’occasion de l’élection présidentielle.
Contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel qui pose un problème mais une certaine conception de l’exercice du pouvoir et une certaine pratique de celui-ci. Pour certains observateurs, le poison qui mine la France, c’est le système politique et plus particulièrement le problème de l’élection du Président de la République au suffrage universel.
Mais alors, dans ces conditions, quid des combinaisons politiques et des recherches permanentes d’hypothétiques coalitions dans le cadre d’un régime parlementaire classique et plus encore dans le cadre d’un régime d’assemblée comme la France en a connu sous la IIIe République et sous la IVe République ?
En revanche, force est de constater que l’on observe une concentration excessive des pouvoirs entre les mains du Président de la République alors qu’il ne devrait être en charge que de l’essentiel comme il a été dit précédemment.
Cette concentration entre les mains d’un homme, aussi éminent puisse-t-il être, qui dans les faits est juridiquement et politiquement irresponsable, est pour le moins surprenant et difficilement acceptable.
C’est l’aspect « présidentialiste » qui est assurément le plus critiquable dans la pratique et l’usage qui est fait des institutions de la Ve République. Ce n’est pas, en revanche, l’affirmation d’un pouvoir présidentiel qui est condamnable en soi.
A cet égard, on n’insistera jamais assez sur les différences notables qui existent entre un régime présidentiel et un régime présidentialiste. Je vois pour ma part dans ces différences quelque chose qui s’apparente aux différences susceptibles d’exister entre, d’une part, un référendum et, d’autre part, un plébiscite si toutefois une telle comparaison est acceptable pour les puristes et les plus éminents constitutionnalistes.
Ce sont les dérives et les distances prises à l’égard d’un régime présidentiel type, résultant aussi bien des textes constitutionnels que de la pratique, qui décrédibilisent nos institutions et les fragilisent.
Le chef de l’Etat doit prendre de la hauteur.
Le Chef de l’Etat doit prendre de la hauteur. Il lui faut fixer le cap, élaborer un projet pour le court, moyen et long terme.
Il est nécessaire qu’à l’occasion du rendez-vous clé sous la Ve République qu’est l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct un objectif précis à atteindre soit défini. Il s’agit de proposer une vision claire de l’avenir, en d’autres termes, offrir un grand dessein aux Françaises et aux Français, aux électrices et aux électeurs.
Il s’agit moins d’apporter des réponses à toutes les questions qui se posent et de résoudre tous les problèmes qui ne manquent pas de s’additionner dans la vie d’une nation et d’un peuple mais d’indiquer une orientation et de donner du sens à un projet politique présenté par un candidat .
Il lui faut refuser d’entrer dans les détails de l’action politique menée au jour le jour. Les contraintes du quotidien, les évènements imprévisibles ou difficilement prévisibles viennent parfois bouleverser les meilleurs programmes qui soient et déstabiliser un Homme d’Etat bien intentionné et soucieux de respecter les engagements sur la base desquels il s’est fait élire.
La réduction de ses domaines d’intervention n’a pas pour objet de revenir à un président style IVe République mais bien davantage, comme il a déjà été dit plus haut de vouloir revaloriser la fonction et la dignité présidentielle, le chef de l’Etat devant être en charge de l’essentiel.
Le fait de répondre à des questions d’auditeurs, ou et c’est plus grave encore, de journalistes en mal de sensationnel, nuit à l’image du chef de l’Etat et plus encore ternit la fonction elle-même. Il en est de même du rôle envahissant de ce que d’aucuns appellent les réseaux sociaux.
Si pour certains, les hommes politiques doivent être réactifs et intervenir en toute occasion, en toute circonstance, sur lesdits réseaux, il faut être conscient de ce qu’un tel phénomène présente comme danger pour le devenir même de la démocratie et à fortiori pour l’autorité de l’Etat quand il s’agit d’un chef d’Etat.
Il convient de ne pas confondre la démocratie avec ce que d’autres ont pu à juste titre qualifier en d’autres temps d’anarchie, ou de tyrannie du quotidien.
Le général de Gaulle a pu dire que « la politique ne se fait pas à la corbeille ». Aujourd’hui, il y a lieu de dire que la politique ne peut se faire sur Internet, à travers les réseaux sociaux, les blogs, les sites.
L’Homme d’Etat, à l’instar de la Raison d’Etat, même dans un Etat de droit, se doit d’être à l’abri des pressions des foules et des mouvements d’humeur le plus souvent incontrôlés et irrationnels.
Trop de « choses » remontent jusqu’au Président de la République. Le chef de l’Etat ne doit avoir en charge que les intérêts supérieurs de l’Etat, ce qui est au demeurant déjà beaucoup.
Il doit tracer une voie, une orientation, il ne doit pas être un commentateur de l’actualité et a fortiori de sa propre action.
Il ne doit pas avoir réponse à tout et donner l’impression de tout faire ou de décider de tout.
A cet égard, le recours répété par des personnes dites « bien informées » à des formules telles que « Le président a dit », « le président veut », « le président souhaite », « Le président a décidé » ou encore, « Le président a tranché » trahit une approche monarchique du pouvoir et loin de consolider l’autorité du chef de l’Etat l’affaiblit. L’autorité doit s’apprécier quand des décisions importantes doivent être prises dans l’intérêt de l’Etat et non pas pour et en toutes choses de la vie quotidienne.
A lui, en revanche, de proposer des objectifs à atteindre, de fixer un cap et de tendre à la réalisation d’un grand dessein, encore une fois, en l’absence duquel on ne saurait raisonnablement obtenir l’adhésion à un projet
La confusion des pouvoirs doit être écartée autant que faire se peut.
La démocratie républicaine ne saurait se confondre avec les dérives d’une monarchie républicaine qui tend à conférer au chef de l’Etat des pouvoirs qui ne sont pas de son niveau. Tout ne peut et ne doit remonter jusqu’au chef de l’Etat comme s’il devait intervenir en toute chose et sur tout point.
On observera que paradoxalement, en relevant le niveau d’intervention du chef de l’Etat et en le déchargeant de certaines missions qui manifestement ne devraient pas être de son ressort, on rehausse la fonction présidentielle et la dignité du chef de l’exécutif.»
Gérard-David Desrameaux