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17/07/2015

Du bon usage de l'article 49-3 de la Constitution

Aux termes de l’article 49-3 de la Constitution de 1958 : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.»

Dans le cadre de la procédure relative à la loi dite loi Macron, le gouvernement a eu recours en toute légalité par trois fois à la procédure de l’article 49-3 rappelée ci-dessus.

Pour autant, certains,  et c’est le cas notamment de partisans du Front de gauche, parlent de « violation tragique » de la Constitution et, d’autres, on en trouve sur de nombreux bancs de l’Assemblée nationale, se lancent dans des diatribes insensées contre le recours à cet article.

Ainsi, M. Christian Jacob, fin juin 2015, s’adressant au Premier ministre lors du débat relatif à la loi Macron, précisément, a notamment déclaré : « On se souviendra de vous ici comme le Premier ministre  qui a humilié et trahi sa majorité, qui a violenté le Parlement et notre Constitution pour un tout petit dessein : se maintenir coûte que coûte à Matignon.»

De tels propos émanant d’un dirigeant se réclamant du gaullisme a de quoi surprendre. Car, en effet, s’il est exact que l’ancien président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a réduit les possibilités de recourir à la procédure de l’article 49-3 lors de la vingt-quatrième révision de la Constitution en 2008, cette faculté, pièce maîtresse du parlementarisme rationalisé introduit par le Constituant de 1958, a permis à de nombreuses reprises à différents gouvernements de droite, du centre et de gauche de faire adopter sans vote de nombreux textes.

En vérité, le recours à l’article 49-3 ne mérite ni l’excès d’indignité ni l’excès d’honneur dont il fait généralement l’objet lors des débats qui y sont consacrés.

En l’état actuel des choses, il est cependant permis de faire les observations suivantes :

Le recours à cet article doit demeurer, sinon d’un usage exceptionnel, d’un usage modéré. Il doit intervenir au terme de procédures et de débats qui doivent être les uns et les autres particulièrement riches. Il doit être de nature à rasséréner les esprits et éviter des débordements excessifs susceptibles de dénaturer le sens d’un texte et l’esprit d’un projet ou d’une réforme. A cet égard, il peut se présenter comme une arme efficace contre ceux qui s’efforcent de faire obstruction et de bloquer le jeu parlementaire.

Or, dans les faits, la procédure est demeurée assez exceptionnelle depuis le début du quinquennat. En l’espèce, s’agissant de la loi Macron, on ne peut vraiment pas dire qu’il n’y a pas eu de débat. Le recours à l’article 49-3 n’est intervenu qu’au terme de plusieurs mois de débats souvent passionnés, l’examen d’un nombre considérable d’amendements et l’ajout d’un nombre également considérable d’articles. Une réserve peut être cependant émise s’agissant du deuxième recours à cette procédure au début du deuxième examen du texte par l’Assemblée nationale dans la mesure où des dispositions nouvelles introduites après le passage devant le Sénat ont pu être adoptées sans avoir fait l’objet d’un débat. Il est évident que cela doit être en tout état de cause proscrit car il n’est pas acceptable que des dispositions non examinées puissent être adoptées sans vote.

En revanche, dans l’hypothèse où nous nous  dirigerions vers ce que j’appelle de mes vœux, à savoir l’instauration d’une authentique démocratie pluraliste fondée sur la recherche de consensus par l’émergence de majorités d’idées voire de majorités de projets, il conviendrait de conserver voire de renforcer le recours à l’article 49-3 afin d’éviter l’enlisement et le blocage, autrement dit le retour à un régime d’assemblée.

 

Gérard-David Desrameaux