05/12/2010
A PROPOS DU VOTE ELECTRONIQUE
Dans toute démocratie authentique l’élection constitue un moment privilégié de la vie politique. C’est à cette occasion, qu’il s’agisse d’élections nationales ou locales, que s’effectuent les choix essentiels et que sont désignés celles ou ceux qui auront en charge la mission de les mettre en œuvre.
C’est un moment privilégié car c’est un temps fort de la démocratie à l’occasion duquel le citoyen exerce ce droit fondamental pour lequel tant de femmes et d’hommes ont dans le passé versé leur sang et continuent aujourd’hui encore de le verser pour obtenir le droit de vote.
Tout citoyen doit pouvoir exercer dans le secret de sa conscience ce droit qui est à la source même de la démocratie.
La Constitution, en son article 3, rappelle que le suffrage est toujours secret. C’est un acte civique, fort par définition. Or j’ai toujours considéré que le vote électronique ne présentait pas à cet égard toutes les garanties eu égard notamment, si je puis dire, à l’inégalité des citoyens face aux techniques informatiques et à la plus ou moins bonne maîtrise d’un outil qui a pu montrer et montre encore vers quelles dérives un pouvoir informatique non maîtrisé peut conduire.
Cette façon « d ‘appréhender » ce sujet ne traduit pas, comme certains voudraient en accréditer l’idée, une certaine forme de rejet du progrès mais traduit tout simplement, aussi longtemps que les garanties ne seront pas données et contrôlées, la volonté de défendre un principe de base en démocratie : le secret du vote.
Je crois en conséquence utile de rappeler que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a, lors d’une délibération n° 2010-371 du 24 novembre 2010 portant adoption d’une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique, formulé les observations suivantes :
« Alors que le vote électronique commençait seulement à s’implanter en 2003, lors de l’adoption de la première recommandation de la CNIL, la commission constate aujourd’hui que les systèmes de vote électronique sur place ou à distance se sont développés et s’étendent désormais à un nombre croissant d’opérations de vote et de types de vote.
La commission souligne que le recours à de tels systèmes doit s’inscrire dans le respect des principes fondamentaux qui commandent les opérations électorales : le secret du scrutin sauf pour les scrutins publics, le caractère personnel, libre et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du vote et le contrôle a posteriori par le juge de l’élection. Ces systèmes de vote électronique doivent également respecter les prescriptions des textes constitutionnels, législatifs et réglementaires en vigueur.
La commission constate que si l’application principale du vote électronique réside dans les élections professionnelles (comité d’entreprise et représentants du personnel), celui-ci se développe également pour les assemblées générales, conseil de surveillance, élection des représentants de professions réglementées et, depuis 2003, pour des élections à caractère politique. De plus, en 2009, pour la première fois, la possibilité de recourir au vote électronique pour une élection nationale, au suffrage universel direct, a été introduite par l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France.
Devant l’extension du vote par internet à tous types d’élections, la commission souhaite rappeler que le vote électronique présente des difficultés accrues au regard des principes susmentionnés pour les personnes chargées d’organiser le scrutin et celles chargées d’en vérifier le déroulement, principalement à cause de la technicité importante des solutions mises en œuvre. Au cours des travaux que la commission a menés depuis 2003, elle a, en effet, pu constater que les systèmes de vote existants ne fournissaient pas encore toutes les garanties exigées par les textes légaux. Dès lors et en particulier, compte tenu des éléments précités, la commission est réservée quant à l’utilisation de dispositifs de vote électronique pour des élections politiques.
La présente délibération a pour objet de revoir la recommandation de 2003 à l’aune des opérations électorales intervenues depuis cette date et de leur analyse par la CNIL, y compris par les contrôles effectués.
La nouvelle recommandation a pour champ d’application les dispositifs de vote électronique à distance, en particulier par internet. Elle ne concerne pas les dispositifs de vote par codes-barres, les dispositifs de vote par téléphone fixe ou mobile, ni les machines à voter. Elle est destinée à fixer, de façon pragmatique, les garanties minimales que doit respecter tout dispositif de vote électronique, celles-ci pouvant être, le cas échéant, complétées par des mesures supplémentaires. Elle vise également à orienter les futures évolutions des systèmes de vote électronique en vue d’un meilleur respect des principes de protection des données personnelles et à éclairer les responsables de traitement sur le choix des dispositifs de vote électronique à retenir.
Elle abroge la délibération n° 2003-036 du 1er juillet 2003 portant adoption d’une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique. »
Pour prendre connaissance de la recommandation, se reporter au J.O. de la République française du 24 novembre 2010.
Gérard-David Desrameaux
Directeur de la Lettre ECP
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