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28/08/2024

Trois scrutins, trois élections différentes, une absence de clarification

 

 

Les 9 juin, 30 juin et 7 juillet 2024, le corps électoral s’est exprimé à trois reprises dans notre pays.

La première fois, le 9 juin, les électeurs français ont, dans le cadre des élections européennes, à l’instar de ce qu’il s’est produit dans de nombreux Etats de l’Union européenne, favorisé le renforcement d’un courant national populiste (ou pour être plus exact, de courants nationaux populistes).

 

Globalement, même si des analyses plus poussées permettraient de comprendre les raisons profondes d’un tel vote, il est vraisemblable que les problèmes d’identité, d’immigration et de sécurité, qui sont bien réels et dont il faut tenir compte, ont été déterminants dans le choix formulé par le corps électoral.

S’agissant de la France, le score obtenu par les partis les plus critiques à l’égard du projet européen ont réuni plus d’un tiers des voix et sont arrivés en tête des différentes listes présentées et battant très largement celle du groupe Renaissance défendant les positions exprimées par la majorité présidentielle.

 

Au soir du scrutin, une heure environ après la fermeture des derniers bureaux de vote, le chef de l’Etat prenant acte des résultats, annonçait à la Nation sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale afin de procéder à une clarification du paysage politique de notre pays.

 

Ce faisant, le chef de l’Etat avait recours à une disposition de la Constitution, l’article 12 plus précisément, accordant au président de la République le droit de dissoudre la chambre basse.

 

Cette décision inattendue a d’abord surpris nombre de nos compatriotes, y compris parmi les plus hautes autorités de l’Etat, Premier ministre, Présidente de l’Assemblée nationale, Président du Sénat et ministres ainsi que parmi les commentateurs et analystes politiques.

 

Si la prérogative d’avoir recours à cette procédure est bien propre au chef de l’Etat, sous réserve cependant de consulter les présidents des deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) et le Premier ministre, et si l’opportunité d’y avoir recours relève de sa seule autorité, il n’en demeure pas moins que, d’un point de vue politique, cette dissolution anticipée a été mal perçue et mal accueillie.

 

Plusieurs raisons expliquent les réserves et les critiques émises quant à la décision du chef de l’Etat.

 

En premier lieu, le droit de dissoudre peut être assimilé à une arme à un coup, si la comparaison n’apparaît pas excessive.

 

En effet, ce droit ne peut être utilisé dans l’année qui suit une dissolution, d’où l’adage « dissolution sur dissolution ne vaut ».

 

Or, eu égard à la situation politique de notre pays, il est permis de se poser légitimement la question de savoir s’il n’eut pas été plus raisonnable de conserver cette « arme », car c’en est une dans le cadre du parlementarisme rationalisé, afin d’y avoir recours à la suite d’un vote hostile du Parlement si celui-ci, par exemple à l’occasion de l’examen du budget pour l’année 2025 aurait décidé d’adopter une motion de censure.

 

En deuxième lieu, eu égard à la situation politique internationale et au risque de voir se développer davantage encore les menaces pesant sur la paix en Europe, était-il opportun de voir s’affaiblir la voix de la France et notre place sur la scène européenne et internationale du fait de l’existence d’un simple gouvernement habilité à n’expédier que les affaires courantes pendant un laps de temps assez long ?

 

En troisième lieu, à l’approche des jeux Olympiques organisés par la France, de la période estivale et des craintes et inquiétudes des Français quant à leur pouvoir d’achat, la même question peut être posée : cette décision était-elle bien opportune ?

 

Opportune ou pas, il faut désormais assumer cet acte et n’avoir à l’esprit que l’intérêt de la France, l’intérêt général, l’intérêt supérieur du pays.

 

Or, quelle est la situation actuelle de notre pays ?

 

Rappelons que lors des élections européennes, la liste soutenue par le Parti socialiste et Place publique conduite par M. Glucksman, est arrivée avec plus de quatre points d’avance sur la liste de LFI conduite par Madame Aubry.

 

Sans doute, ce nouveau rapport de force au sein des formations de gauche a-t-il permis au chef de l’Etat d’entrevoir et d’espérer une autonomisation du PS par rapport à LFI !

 

Or, en moins de trois jours, un accord était conclu entre quatre formations de gauche sous l’étiquette du NFP (Nouveau Front populaire).

 

Le NFP parvenait ainsi en un temps record et à la surprise générale des observateurs à l’élaboration d’un programme comprenant 150 mesures.

 

Pour autant, cet accord apparaît dès le départ, pour les observateurs les plus avisés, davantage comme un cartel électoral se rapprochant à certains égards du système des apparentements en vigueur notamment sous la IVe République que d’un véritable programme commun de gouvernement tant les divergences semblent importantes dans nombre de domaines, notamment au plan européen et international.

 

Cette distinction entre programme de gouvernement et cartel électoral n’est pas sans incidence quant aux conséquences au regard de la notion de formation arrivée en tête. De même, cette notion n’a pas de sens dans un système non bipartisan ou en l’absence de toute bipolarisation, système dans lequel nous nous trouvons actuellement.

 

Les élections fixées aux 30 juin et 7 juillet 2024 ont « envoyé » deux types de messages forts différents l’un de l’autre.

 

Au premier tour, 35% des électeurs accordent leur soutien à une formation préconisant des solutions radicales. Cette formation, portée par les résultats du premier tour, puis par des sondages la donnant largement victorieuse au soir du second tour, est alors convaincue d’obtenir une majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale.

 

Cette conviction va conduire, M. Bardella, pressenti par le RN pour devenir premier ministre en cas de victoire, à mettre la barre de plus en plus haut, exigeant cette fameuse majorité absolue pour qu’il accepte de gouverner, majorité en l’absence de laquelle il ne serait pas en mesure d’appliquer son programme selon ses dires.

 

Ce faisant, une fois de plus, cette formation à l’instar de beaucoup d’autres, manifestait son obsession d’obtenir en quelque sorte tous les pouvoirs, l’exigence d’une majorité absolue signifiant en vérité le peu d’appétence pour un partage du pouvoir effectif nécessitant le souci du compromis et l’art du dialogue, caractéristiques des authentiques démocraties.

 

Des erreurs, voire des fautes, ont dès lors été commises : Ainsi, en est-il notamment des propos irresponsables sur les Français ayant une double nationalité, de l’affirmation selon laquelle les pouvoirs du chef de l’Etat en sa qualité de chef des armées étaient juste de nature protocolaire en quelque sorte et ce, en faisant fi de la Constitution de 1958 et de l’esprit des institutions. Ainsi, une certaine arrogance, un certain triomphalisme aussi, ont pu inquiéter nombre d’électeurs.

 

On pouvait ainsi redouter, en cas de victoire de cette formation politique, une cohabitation particulièrement conflictuelle.

 

De multiples appels ont alors été lancés tendant à contrer la victoire d’une force radicale qui sûre d’elle-même exigeait tous les pouvoirs.

 

La constitution d’un front républicain a renversé la tendance et a permis à une autre majorité forte des deux tiers environ du corps électoral de contrer le succès annoncé prématurément du national populisme.

 

C’est ainsi qu’au soir du 7 juillet 2024, l’Assemblée nationale ne comptait pas de majorité précise et que l’hémicycle était particulièrement fragmenté permettant aux observateurs d’évoquer une chambre ingouvernable, une chambre ingérable.

 

A l’arrogance de ceux qui ont cru à la victoire au soir du premier tour a succédé celle de ceux qui ont crié victoire au second tour. Or, les uns et les autres ont commis la même erreur : revendiquer un pouvoir absolu alors qu’ils n’étaient que détenteurs d’une majorité relative.

 

Quid des prétentions hégémoniques de certains ? Quid de ceux qui, à l’instar de tel ou tel leader de la France insoumise affirment qu’il faut appliquer le programme, tout le programme, rien que le programme ?

 

Que penser également de ceux qui préconisent, tel Monsieur Mélenchon d’engager une procédure de destitution du chef de l’Etat en application de l’article 68 de la Constitution et crient au déni de démocratie tout en appelant les Français àdescendre dans la rue aux fins de manifester ?

 

Dans l’absolu, il faudrait faire évoluer nos institutions dans le sens d’un véritable régime présidentiel avec renforcement du pouvoir du Parlement conforté par l’existence d’un régime électoral fondé sur une authentique représentation proportionnelle s’inspirant du modèle adopté en 1985.

 

Je rappelle à cet égard que je milite depuis des années pour une évolution de nos institutions vers un régime présidentiel alors que nous connaissons actuellement un régime présidentialiste (mi présidentiel, mi parlementaire).*

 

Plus que jamais, la recherche de majorités d’idée, de majorités de projet s’impose et avec elle la recherche de compromis et de consensus.

 

C’est une culture que nous devons impérativement développer dans notre pays si nous voulons mettre un terme aux blocages et aux crises politiques à répétition.

 

Eu égard à la crise politique actuelle et au climat de défiance régnant dans le pays, il paraît certes difficile de vouloir changer fondamentalement les règles du jeu car les opposants les plus résolus sont aujourd’hui majoritaires et laisseraient accroire qu’il s’agit d’un coup de force de la part du pouvoir en place.

 

Aujourd’hui, compte tenu du rapport des forces tel qu’il résulte de la configuration de l’Assemblée nationale et de notre vie politique, l’hypothèse d’une coalition paraît aléatoire.

 

Il s’agit désormais de mettre en place un gouvernement de politiques confirmés ayant le sens de l’Etat et de l’intérêt général. Il faut en appeler à d’anciens premiers ministres, ministres d’Etat, hauts fonctionnaires.

 

Dans une période aussi difficile, il n’est pas possible d’improviser et de laisser aux seuls partis politiques le soin de faire et de défaire les majorités au gré de jeux plus ou moins subtils et surtout de ces petits jeux politiciens si souvent dénoncés parle général de Gaulle en son temps et notamment lorsqu’il dénonçait le régime des partis.

 

Le comportement de certains est à cet égard contreproductif pour ceux qui appellent à un renforcement du parlementarisme tout en donnant l’image de ces jeux stériles des partis politiques, c'est-à-dire l’image la plus négative qui soit.

 

Invitons à cet égard certains commentateurs de la vie politique et ceux qui crient au déni de démocratie à relire le texte de la conférence de presse du général de Gaulle du 31 janvier 1964 au cours de laquelle il rappelait le rôle du chef de l’Etat sous la Ve République.

 

Dans le contexte actuel, les analyses sommaires et les opinions partisanes et sectaires de certains qui font preuve de beaucoup d’irresponsabilité permettent de différencier les hommes d’Etat des politiciens.

 

Les premiers ont le sens de l’Etat et savent dépasser les contingences secondaires et les visions partisanes.

 

Les seconds raisonnent en termes de carrière et de calendriers électoraux. Ceux qui ne cherchent pas à sortir par le haut de la crise politique dans laquelle nous nous trouvons présentement, et qui peut à terme déboucher sur une authentique crise de régime, porteraient une lourde responsabilité devant l’histoire.  

 

Le gouvernement qui doit voir le jour prochainement devrait avoir pour ambition première de permettre le vote du budget, redonner confiance en la politique, renouer le dialogue, conforter les comptes publics, renforcer l’image de la France au plan européen et international.

 

Il ne devrait pas se lancer dans des réformes importantes de société afin d’éviter de crisper le débat sauf s’il y a consensus. Il devrait en revanche mettre en oeuvre une modification du mode de scrutin en réinstaurant un mode de scrutin proportionnel permettant à toutes les forces politiques d’être autonomes et non plus prisonnières d’alliances s’apparentant plus à des cartels électoraux qu’à autre chose.

 

Pour que les choses soient bien claires quant au mode de scrutin., il y a lieu de s’interroger sur la représentation proportionnelle souhaitée par certains mais avec une prime majoritaire ?

 

Cette revendication a été souvent faite par certains dirigeants du RN, par Madame Le Pen, notamment, et par Monsieur Bardella dans le cadre de débats ou d’interviews sans susciter la moindre réaction d’adversaires politiques ou d’observateurs et analystes. C’est aussi une proposition formulée par M.onsieur Marcangeli du groupe Horizons.

 

Un tel mode de scrutin est tout le contraire d’une représentation proportionnelle et doit donc être combattu au plan national car il aurait pour effet de fausser les résultats et de donner une majorité absolue à une force politique donnée !

 

C’’est précisément ce qu’il faut éviter. Ne faisons pas le contraire de ce que nous préconisons, à savoir l’émergence d’une juste représentation proportionnelle respectant le pluralisme et impliquant la recherche d’authentiques compromis.

 

La Constitution de la Ve est relativement souple même si des adaptations sont souhaitables afin de tenir compte de l’évolution des choses. La crise à laquelle la France est aujourd’hui confrontée peut être surmontée si les plus hautes autorités de l’Etat savent agir avec sagesse en ayant toujours à l’esprit le sens de l’Etat et l’intérêt supérieur de notre pays. Le chef de l’Etat est le garant des institutions. Il doit veiller au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et s’efforcer d’éviter que le pays ne s’enfonce dans l’instabilité ministérielle. Par son pouvoir d’arbitrage et son pouvoir de nomination du premier ministre, il doit veiller aux grands équilibres du pays en dégageant le cas échéant des majorités alternatives au gré des thèmes afin de répondre aux attentes nécessairement contradictoires des Français.

 

Ce n’est pas aux partis de dicter la politique de la France. Il leur appartient en revanche, dans le cadre d’un pluralisme effectif et grâce à une meilleure représentativité, de concourir à l’expression du suffrage.

 

Gérard-David Desrameaux

 

 

 

* Refondons nos institutions, d’une monarchie républicaine à une démocratie républicaine, Paris, Lanore, 2016

 

De l’alternance au partage du pouvoir, Faut-il en finir avec nos modes de scrutin ? Bréal, Paris 2017

 

Pourquoi est-il urgent de modifier la Constitution ? BOD, Paris 2022

 

 

 

 

 

25/06/2024

L'Europe, un rempart contre les totalitarismes et les autocraties

 
Mockup.jpgTitre : L'Europe, un rempart contre les totalitarismes et les autocraties
Editeur : BOD - 2024
 
Depuis plusieurs décennies, Gérard-David Desrameaux milite en faveur de l'émergence d'une Europe puissance, souveraine et démocratique. Dans deux essais précédents Pour une Europe puissance dans un monde plus ordonné publié en 2005 et dans Pour une Europe souveraine, Écrits et plaidoyers, publié en 2014, l'auteur s'est efforcé de mettre l'accent à travers différents textes sur ce que pourrait et devrait être une Europe politique maîtresse de son destin sur la scène du monde. Dans un troisième essai consacré à l'Europe, il dresse un bilan mitigé car de nombreuses erreurs ont été commises par les héritiers des pères fondateurs de l'Europe. Il lui semble que l'Europe est désormais à la croisée des chemins face aux assauts répétés des nationalistes alors que les bruits de bottes ne cessent de s'amplifier et de se rapprocher. L'Europe se doit d'être un rempart contre les autocraties et les totalitarismes.
 

De la dénonciation de l'article 49-3 à l'exigence d'une majorité absolue pour exercer le pouvoir

Editorial

 

Je vois une contradiction flagrante chez ceux qui après avoir dénoncé avec force et souvent excès le recours à l’article 49-3 de la Constitution en appellent, à la veille d’une échéance électorale fondamentale pour l’avenir du pays, à l’obtention d’une majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale au motif que sans une telle majorité il leur serait impossible d’exercer la plénitude du pouvoir et de mettre en œuvre leur programme.

 

Une fois de plus, je vois dans de telles contradictions une forme d’incohérence qui relève plus de l’agitation politique, voire politicienne, que du sens de l’Etat et du souci de l’intérêt général.

 

Certes tous les candidats à la présidence de la République depuis le début de la Ve République sollicitent du corps électoral qu’il leur accorde une majorité afin qu’ils puissent appliquer leur programme.

 

On peut évidemment comprendre ce souhait. Il est légitime. Pour autant, il y a une différence majeure entre un tel souhait et l’exigence de disposer d’une majorité absolue pour être en mesure de gouverner.

 

Prétendre que l’on ne peut gouverner en l’absence d’une telle majorité signifie que l’on refuse le dialogue et le pluralisme.

 

Nous savons tous que les recherches permanentes d’hypothétiques majorités absolues ne peuvent que déboucher sur des « majorités omnipotentes » donnant naissance à des « chambres d’enregistrement ».

 

Au cours des dernières décennies, un parlementarisme rationalisé souvent à l’excès et un mode de scrutin majoritaire à deux tours a favorisé le développement d’une bipolarisation souvent artificielle et des alternances radicales.

 

Aussi, depuis des années nous avons la certitude qu’à ces alternances radicales, voire brutales, il y avait lieu de substituer un partage du pouvoir.

 

Pour y parvenir, il y a lieu notamment de modifier notre système électoral en instaurant la représentation proportionnelle et de donner le jour à des majorités à géométrie variable et à des majorités d’idées en favorisant la recherche de légitimes consensus et compromis.

 

Le Parlement, lieu de dialogue, doit demeurer un creuset de la démocratie. Le pouvoir doit être partagé dans un Etat de droit.

 

Il ne peut être accaparé par une personne seule ou par un parti hégémonique.

 

 

 

Gérard-David Desrameaux